POLITIQUE DES DROGUES
Plaidoyer pour une (r)évolution des approches de prévention du tabagisme
Une tribune de Jeff Stier, chef de la division « analyse du risque » du National Center for Public Policy Research à Washington, en appelle à un nouveau paradigme de la prévention du tabagisme sur un modèle s’inspirant de la réduction des risques. L’auteur invoque l’exemple de la Suède qu’il considère comme un modèle pour sa politique de réduction des risques : elle s’est distinguée notamment par la promotion du « snus » comme alternative à la cigarette et l’auteur se félicite d’y constater la prévalence de pathologies liées au tabac la plus faible d’Europe. Il croit par ailleurs hautement préjudiciable le récent rapport de l’OMS qui s’apprête à réglementer l’usage de l’e-cigarette comme un produit du tabac et ce, sans argumentaire scientifique probant, et déplore que les preuves en faveur de l’e-cigarette comme une aide au sevrage tabagique soient niées par une partie importante des autorités sanitaires, alors qu’il conviendrait de regarder le développement d’alternatives à la cigarette classique une chance inédite pour la santé publique.
Source : Jeff Stier, "Calling for a different approach to tobacco and nicotine regulation", Euractiv.com
>> En savoir plus sur le snus, poudre de tabac humide
En Uruguay, l’inquiétude du « pot-entrepreneur »
Le quotidien canadien The Globe and Mail s’attarde sur les lendemains de l’expérimentation uruguayenne de légalisation du cannabis telle qu’elle est vécue de l’intérieur. Parmi les évolutions liées aux avancées législatives censées contribuer à éradiquer le marché noir, l’Uruguay qui prévoit une production étatique importante, se tourne aujourd’hui vers les petits cultivateurs de cannabis, ses anciennes bêtes noires, pour leurs conseils avisés sur la meilleure façon de faire pousser des plants de cannabis. S’ils s’amusent du cocasse de la situation, ces derniers n’en sont pas moins dubitatifs et prudents. A titre d’exemple : selon l’une des réglementations mises en place pour contrôler la circulation du cannabis, les producteurs doivent s’identifier sur un registre d’usagers de marijuana tenu par le Ministère de la santé et y apposer leur empreinte digitale, ce qui n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à la légitimité du procédé et à la façon dont il pourrait être réinvesti si l’expérimentation tournait court.
Source : Stéphanie Nolen, "Inside Uruguay’s experiment in legalized marijuana", The Globe and Mail, 24 septembre
L’instauration d’un prix minimum par unité d’alcool 50 fois plus efficace que l’interdiction de la vente d’alcool à perte
Une analyse par modélisation à partir du Sheffield Alcohol Policy Model version 2.5 a voulu évaluer les bénéfices comparés de deux politiques de contrôle des consommations d’alcool : l’interdiction de la vente d’alcool à perte en vigueur depuis mai 2014 en Grande Bretagne et l’instauration d’un prix minimum obligatoire par unité d’alcool. En mesurant leurs atouts respectifs quant aux volumes de consommation, décès liés à l’alcool, hospitalisations, dépenses par usagers chez des individus âgés de plus de 16 ans dont des personnes alcoolo-dépendantes, les résultats sont sans appel : l’interdiction de la vente d’alcool à perte aurait extrêmement peu d’effet sur les consommations à risque et les volumes consommés, soit 0,08 % de réduction des consommations à risque représentant 3 unités d’alcool consommées en moins par an, contre 3,7 % et 137 unités d’alcool en adoptant l’instauration d’un prix minimum par unité d’alcool. En termes de mortalité et d’admissions à l’hôpital, l’interdiction de la vente d’alcool à perte préviendrait 14 décès par an et 500 hospitalisations contre 624 décès et 23 700 hospitalisations en moins avec l’instauration d’un prix minimum par unité d’alcool.
Source : Alan Brennan, Yang Meng, John Holmes , Daniel Hill-McManus, Petra S Meier, "Potential benefits of minimum unit pricing for alcohol versus a ban on below cost selling in England 2014: modelling study", BMJ 2014; 349, 30 septembre 2014
VU D'AILLEURS
Conflits d’intérêts autour de la production de cannabis en Floride
Alors que la Floride s’apprête à mettre en œuvre sa nouvelle législation permettant l’usage de cannabis à visée thérapeutique, une controverse liée aux règles de mise en culture d’une souche de marijuana pauvre en tétrahydrocannibinol risque d’en différer la dispensation programmée le 1er janvier 2015. Au cœur de la controverse, le souhait de réserver à seulement cinq producteurs une licence pour cultiver légalement en Floride cette souche baptisée Charlotte’s web. La capacité à cultiver 400 000 plants et trente ans d’ancienneté dans la production constituent les critères formulés par le Florida Department of Health pour demander cette licence, mais beaucoup de producteurs peuvent y prétendre et la justice a été appelée à donner son avis sur la procédure par une firme qui voudrait bien être du nombre. Un référendum aura lieu en novembre pour décider d’une loi de légalisation moins restrictive. Vingt-trois des 50 Etats, plus la capitale fédérale, ont déjà procédé à une telle légalisation.
Source : Zachary Fagenson, "Dispute could delay Florida rollout of limited medical marijuana", 16 septembre 2014
Le Moyen-Orient et l’Afrique, nouveaux pourvoyeurs de méthamphétamines
Un rapport actualisé de l’United Nations Office on Drugs constate une évolution des pays de production de méthamphétamines. Si jusqu’à présent l’Amérique du Nord et l’est de l’Asie se partageaient la production de méthamphétamines, celle-ci s’étendrait aujourd’hui au Guatemala, au Kenya, au Nigeria, en Iran et dans une moindre mesure en Europe. Quant à son processus de fabrication, les précurseurs type éphédrine et pseudo-éphédrine demeurent les plus largement utilisés tandis que les Etats-Unis se distinguent avec une prédilection pour le précurseur 1-phényl-2-propanone (P2P, BMK, phénylacétone).
Source : UNODC, "New trends and regional differences in the manufacturing of methamphetamine", 15 septembre 2014
PREVENTION DES RISQUES
Activité physique et consommation d’alcool au quotidien
Une étude réalisée sur un échantillon de 150 personnes, hommes et femmes âgés entre 19 et 89 ans, parue dans Health Psychology, teste et valide l’hypothèse selon laquelle plus les individus ont d’activité physique, plus ils seraient enclins à consommer de l’alcool ; cette association varierait avec l’âge des individus et serait plus marquée chez les jeunes. Enfin, et c’est là son originalité, l’étude montre que la consommation d’alcool serait plus importante les jours où un exercice physique est pratiqué. Les auteurs soulignent toutefois les limites de cette étude qui notamment n’inclut que les individus présentant une consommation d’alcool modérée, et non des consommations plus problématiques.
Source : Conroy DE, Ram N, Pincus AL, Coffman DL, Lorek AE, Rebar AL, Roche MJ, "Daily physical activity and alcohol use across the adult lifespan", Health Psychology, 15 septembre 2014
Impact des résidus médicamenteux dans l’eau sur la santé de l’homme
Le Canada s’émeut des conséquences possibles de la présence de traces résiduelles de médicaments et substances psychoactives (cocaïne, amphétamines…) dans l’eau potable, qualifiant ce phénomène de « préoccupation environnementale » à mesure que la consommation de composants biologiquement actifs croit dans la population (de l’ordre de 10 à 15 % par an). Bien que les données de la recherche, à l’heure actuelle, ne permettent pas de définir un niveau de risque avéré pour la santé de l’homme, leur potentiel carcinogène ainsi que leur effet sur le système immunitaire sont toutefois l’objet d’une attention grandissante.
Source : "Drinking water contaminated by excreted drugs a growing concern"
Pour aller plus loin : une étude canadienne rapporte des taux record de composants pharmaceutiques dans l’eau de rivière dans la région du sud de l’Ontario.
Hippy crack : le protoxyde d’azote séduit les jeunes générations
Selon les dernières données issues du Crime survey for England and Wales, 7,6 % des jeunes adultes âgés de 16 à 24 ans ont consommé du protoxyde d’azote (mieux connu sous le nom de gaz hilarant) entre 2013 et 2014 contre 6,1% l’année précédente. Le protoxyde d’azote qui provoque vertiges, euphorie mais aussi ralentissement psychomoteur voire altération du système nerveux, constituerait après le cannabis, la substance psychoactive la plus prisée par cette tranche d’âge.
Source : "Drug misuse: Findings from the 2013/14 Crime Survey for England and Wales", Actualisation 15 août 2014
Pour aller plus loin : consulter les travaux publiés par Re-solv, association pour la prévention de la consommation de substances volatiles
EPIDEMIOLOGIE
Sortir de l’usage d’une substance psychoactive n’augmente pas le risque de perdre le contrôle d’une autre
A rebours d’une perception clinique communément admise, selon une étude prospective parue dans JAMA Psychiatry et réalisée à partir d’une cohorte représentative de 34 653 individus, les personnes qui ont connu et surmonté dans les trois dernières années au moins un trouble du contrôle de l’usage de substances psychoactives voient diminuer leur risque de développer un autre mésusage (OR = 0.66 ; 95% Cl, 0.46-0.95), en comparaison avec celles qui n’ont pas surmonté leur trouble du contrôle de l’usage de substances psychoactives.
Source : Blanco C, Okuda M, Wang S, Liu SM, Olfson M, "Testing the drug substitution switching-addictions hypothesis: a prospective study in a nationally representative sample.", JAMA Psychiatry. 2014 Sep 10.
doi: 10.1001/jamapsychiatry.2014.1206.
RECHERCHE FONDAMENTALE
Pharmacodynamie des amphétamines
Une nouvelle étude sur des modèles animaux parue dans la revue Neuropsychopharmacology met en évidence la fonction de l’alpha-calcium-calmodulin-dependant-kinase-2 (αCaMKII), enzyme de la famille des kinases connue pour son rôle de modulateur de la plasticité des synapses, dans la potentialisation du plein effet des amphétamines. En effet, en conditions d’expérimentation in vivo, chez les souris knock-out sans α-CAMKII exposées aux amphétamines, l’afflux de dopamine se révélerait moindre tandis que le phénomène de sensibilité comportementale (augmentation progressive des effets psychostimulants avec des manifestations comme la stéréotypie) s’en trouverait également très atténué. En revanche, la surstimulation du système de la récompense (renforcement positif) perdurerait quant à elle, et les auteurs de conclure à une contribution relative de l’α-CAMKII sur les effets comportementaux des amphétamines, contribution conditionnée par le degré d’expression du transporteur de la dopamine (DAT).
Source : "In Vivo amphetamine action is contingent on αCaMKII", Neuropsychopharmacology (2014) 39, 2681–2693; doi:10.1038/npp.2014.124;
Auteurs : Thomas Steinkellner, Liudmilla Mus, Birgit Eisenrauch, Andreea Constantinescu, Damiana Leo, Lisa Konrad, Mattias Rickhag, Gunnar Sørensen, Evgenia V Efimova, Eryan Kong, Matthäus Willeit, Tatyana D Sotnikova, Oliver Kudlacek, Ulrik Gether, Michael Freissmuth, Daniela D Pollak, Raul R Gainetdinov, Harald H Sitte
INSOLITE
Une pépinière de talents high tech
BBC News Business se fait l’écho d’une manifestation d’un nouveau genre, le Marijuana Tech Startup weekend, hackathon, visant à promouvoir les nouvelles technologies, collaborations et occasions d’investissement dans l’industrie du cannabis dont l’usage à des fins récréatives est aujourd’hui légal dans certains Etats américains, dont le Colorado qui accueillait cette première édition.
Source : Kim Gittleson, "Looking for the facebook of the pot industry", BBC News, 29 septembre 2014
|