PREVENTION DES RISQUES
Climat scolaire non-discriminant et alcoolisations excessives
Les établissements scolaires américains au climat gay-friendly peuvent se prévaloir de consommations d’alcool à risque moindres au regard des établissements « plus conservateurs ». C’est ce que révèle une enquête ayant comparé le nombre de jours d’alcoolisation excessive (JAE) pour les adolescents gay/lesbiennes, hétérosexuels et indécis quant à leur orientation sexuelle dans ces deux types d’établissements, à partir des données 2005 et 2007 de l’enquête nationale Youth risk behavior survey. Dans les établissements gay-friendly l’incidence des JAE était en effet plus modérée pour les jeunes gay/lesbiennes (ratio d’incidence RI = 0,70 ; 95 % [IC]: 0,56 - 0,87; p = 0,001), hétérosexuels (RI = 0,80 ; 95 % IC : 0,76-0.83 ; p < 0,001) et indécis (RI = 0,57; 95 % IC : 0,35- 0,93 ; p = 0,024). Ainsi encourager l’absence de discriminations liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre dans les établissements scolaires pourrait infléchir les comportements à risque liés à l’alcool chez les élèves, toute orientation sexuelle confondue.
Source : Robert W.S. Coulter, Michelle Birkett, Heather L. Corliss, Mark L. Hatzenbuehler, Brian Mustanski, Ron D. Stall, "Associations between LGBTQ-affirmative school climate and adolescent drinking behaviors", Drug and alcohol dependence
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Le Lancet Psychiatry propose une sélection d’articles pour éclairer les dimensions épidémiologique et clinique du mésusage de drogues chez les jeunes avec un état des lieux des données concernant la prévention, le repérage précoce et la réduction des dommages tels qu’il se déploie auprès de ces populations à risque, à l’échelle mondiale.
RECHERCHE FONDAMENTALE
Exposition prénatale à l’éthanol : quels retentissements à long terme ?
Une étude contrôlée chez la souris explore les effets d’une exposition prénatale à l’éthanol (EPE) par le prisme du sommeil. On sait que l’EPE peut être à l’origine de troubles neurocomportementaux à long terme. On connaît aussi l’importance de la qualité du sommeil dans un certain nombre de ces troubles dont l’hyperactivité, l’altération de la peur conditionnée, les troubles affectifs (‘emotional dysregulation’).
Dans cette étude, les chercheurs ont testé d’une part la corrélation entre sommeil à ondes lentes (SOL) et hyperactivité et d’autre part la corrélation entre SOL et expression de la peur conditionnée. L’équipe a observé que l’EPE entrainait une hyperactivité des souris adultes EPE comparées aux souris contrôle mais sans modifier les rythmes circadiens durant l’activité ni la température du corps. L’EPE produisait également une fragmentation du sommeil, avec une diminution du SOL et une augmentation des transitions SOL/ ondes rapides. Chez le même animal, l’EPE provoquait, à l’âge adulte, une altération de la mémoire de peur conditionnée au contexte (‘impaired contextual fear conditionning memory’), indice d’un dysfonctionnement mnésique. Or, cette altération de la peur conditionnée, dont on attribue le fonctionnement normal à l’hippocampe serait quant à elle corrélée à l’altération du sommeil à ondes lentes observée post EPE. Le retentissement de l’EPE se manifesterait alors à deux niveaux : 1/direct avec l’hyperactivité et 2/ à travers la réduction et la fragmentation du sommeil à ondes lentes. Ainsi, selon les auteurs, l’EPE ne génèrerait pas uniquement une altération des circuits neuronaux, elle entretiendrait également chez la souris une privation de sommeil itérative et durable (‘sustained and repeated insult of sleep deprivation’), constituant en elle-même un facteur de sur-risque avéré, chez l’animal et chez l’humain, de développer déficits cognitifs (mnésiques) et troubles affectifs.
Source : D.A. Wilson, K. Masiello, M.P. Lewin, d, M. Huib, J.F. Smiley, M. Saito, ″Developmental ethanol exposure-induced sleep fragmentation predicts adult cognitive impairment″, Neuroscience, Volume 322, 13 mai 2016, Pages 18–27
RECHERCHE CLINIQUE
Le virtuel au chevet de l’héroïno-dépendance
Réduire les risques associés à la dépendance à l’héroïne par le jeu, c’est le pari d’une équipe de l’université d’Houston relayé par l’agence Reuters. Les participants de l’étude, des usagers souffrant de dépendance à l’héroïne, sont invités à participer à un jeu en 3D reconstituant un environnement propice à la consommation d’héroïne. Les « joueurs » peuvent interagir avec des avatars et un environnement conçus de façon réaliste et sont soumis à différents stimuli qu’ils peuvent rencontrer en situation réelle. Ce dispositif d’hyper-contextualisation censé reproduire les conditions d’une injection ou d’un snif récréatifs, vise également à informer les équipes soignantes afin qu’elles perçoivent mieux les motivations qui assaillent l’usager et ajustent leurs interventions. L’hypothèse sous-jacente : faire diminuer la sensation de manque (« craving ») dans des conditions expérimentales peut aider les usagers à se défaire de leur dépendance dans le monde réel.
Source : "Virtual reality 'heroin cave' aimed at helping addicts kick habit", Reuters Canada, 28 février 2016
Dérégulation dopaminergique et psychostimulants : approche neurochimique
Une dérégulation de la réponse au stress peut intervenir dans l’étiologie du développement ou de la reprise de troubles neuropsychiatriques dont la psychose et les comportements addictifs. Une première étude avait déjà démontré une sensibilisation neurochimique consécutive à l’administration répétée intermittente de substances psychostimulantes, se manifestant par une libération progressive plus importante de dopamine. La même équipe de recherche a mis en évidence cette fois, lors d’un essai clinique pilote contrôlé sur un échantillon de 17 hommes volontaires sains, qu’une exposition répétée aux amphétamines augmente la réponse dopaminergique au stress, évoquant ainsi une sensibilisation croisée entre substances psychostimulantes et stress (augmentation du taux de cortisol P < 0.04)) en cohérence avec des études réalisées chez l’animal. Cette sensibilisation croisée peut donc jouer un rôle aussi bien dans les rechutes notamment en contexte de stress que dans le développement d’une symptomatologie psychiatrique chez des sujets vulnérables.
Source : L Booij, K Welfeld, M Leyton, A Dagher, I Boileau , I Sibon, GB Baker , M Diksic, J-P Soucy , JC Pruessner , E Cawley-Fiset, KF Casey, C Benkelfat, ″Dopamine cross-sensitization between psychostimulant drugs and stress in healthy male volunteers″, Translational psychiatry
E-CIGARETTE
Une estimation de l’incidence de la cigarette électronique sur l’arrêt du tabac en Grande-Bretagne
De 16 000 à 22 000 personnes : c’est l’estimation du nombre de personnes ayant arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique en Grande-Bretagne en 2014 d’après une communication publiée dans Addiction. Les auteurs ont procédé par inférence à partir des données britanniques disponibles quant au nombre de fumeurs, aux tentatives d’arrêt du tabac, aux utilisateurs de cigarette électronique et à l’évaluation des chances de maintien du sevrage tabagique à un an. D’après ces données initiales, ils estiment en effet que 2,5 % des fumeurs utilisant la cigarette électronique dans une perspective de sevrage tabagique y ont réussi en 2014, soit 22 000 personnes qui n’y seraient pas parvenues sans cela et/ou à l’aide de substituts nicotiniques en libre-service. Cependant, au regard de la diminution du recours à certaines approches pharmacologiques ou de thérapies comportementales, les auteurs proposent une seconde estimation basse en guise d’intervalle de l’ordre de 16 000 personnes, dans la mesure où le recours à la cigarette électronique a pu se substituer à ce type d’aide reconnue comme aussi efficace voire plus efficace que la cigarette électronique.
Source : Robert West, Lion Shahab, Jamie Brown, ″Estimating the population impact of e-cigarettes on smoking cessation in England″, Addiction
>> Consulter la lecture critique de cet article par le British medical journal :
″E-cigarettes help up to 22 000 smokers in England quit each year″, 1er mars 2016
BMJ 2016; 352 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.i1243
URGENCE ET ADDICTIONS
Rapport sur les admissions aux urgences consécutives à la consommation de substances psychoactives en Europe
Le groupe de recherche du réseau d’urgence européen des drogues (Euro-DEN) publie un rapport sur les consommations de drogues récréatives et nouvelles substances psychoactives (NSP), à l’échelle européenne.
Les données d’admissions aux services d’urgence consécutives à la consommation de drogues récréatives ou de NPS ont été enregistrées dans 16 centres répartis dans 10 pays (Danemark, Estonie, France, Allemagne, Irlande, Norvège, Pologne, Espagne, Suisse et Royaume-Uni), entre octobre 2013 et septembre 2014.
Entre octobre 2013 et septembre 2014, 5 529 personnes ont été admises aux urgences pour une consommation de substances psychoactives et 8 709 psychotropes ont été identifiés. Ces admissions constituaient 0,3 % de l’ensemble des consultations aux urgences. Les drogues récréatives classiques étaient impliquées dans près de deux tiers des cas (64,6 %), suivies par les médicaments sur ordonnance (26,5 %) et les NSP (5,6 %). Les cinq produits les plus fréquemment utilisés étaient l’héroïne (1 345 consultations), la cocaïne (957 consultations), le cannabis (904), le GHB (711 consultations) et les amphétamines (593 consultations). Parmi ces personnes, 69,5 % s’étaient rendues à l’hôpital en ambulance (avec un pic d’admission entre 19 h et 2 h le weekend). L’âge médian était de 31 ans (24 à 39 ans) et une grande majorité des admissions concernaient des hommes (75,4 %). La durée de séjour dans le service des urgences se limitait à 4,6 heures en moyenne. Dans la plupart des cas (56,9 %) aucune complication grave n’a été observée. Cependant, plus d’un quart des patients (26,5 %) présentait une agitation, 10,5 % obtenaient un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 et 35 personnes avaient subi un arrêt cardiaque. Vingt-sept morts ont été recensées, dont 13 impliquaient un opioïde, ces données confirmant une nouvelle fois la dangerosité particulière de ces « anciennes » (mais toujours bien présentes) substances psychoactives.
Source : A. M. Dines ; D. M. Wood ; C. Yates ; F. Heyerdahl ; K. E. Hovda ; I. Giraudon ; R. Sedefov ; P. I. Dargan ; Euro-DEN Research Group, ″Acute recreational drug and new psychoactive substance toxicity in Europe: 12 months data collection from the European Drug Emergencies Network (Euro-DEN)″, Clinical Toxicology, Vol.53, n°9 (Novembre 2015)
Pour aller plus loin : http://www.emcdda.europa.eu/activities/emergencies
Admissions aux urgences liées au cannabis dans l’Etat du Colorado
Une étude transversale s’est intéressée à l’évolution des admissions associées à l’usage de cannabis dans les services d’urgence entre 2011 et 2014 en fonction de l’origine géographique des patients, résidents ou non-résidents de l’Etat du Colorado. L’enquête a été menée dans un hôpital de centre-ville réalisant environ 100 000 admissions aux urgences (AU) par an. Selon les données collectées, le nombre d’AU était passé de 85/10 000 admissions en 2013 à 168/10 000 en 2014 pour les non-résidents contre respectivement 106/10 000 et 112/10 000 pour les résidents. La même tendance a été confirmée par les données complémentaires issues de la Colorado Hospital Association concernant plus de 100 autres établissements : parmi les non-résidents : 78/10 000 admissions 2012 à 112/10 000 en 2013 à 163/10 000 en 2014 (rate ratios : 1,44 [2012 à 2013] 1,46 [2013 à 2014]; P<0.001). Parmi les résidents, entre 2011 et 2014 le taux d’admissions possiblement liées au cannabis est passé de 61 à 70, 70 à 86 et 86 à 101/10 000, respectivement (rate ratios : 1,14 [2011 à 2012], 1,24 [2012 à 2013], et 1,17 [2013 à 2014] ; P<0.001). Le nombre d’admissions aux urgences en lien avec un usage de cannabis augmente donc au Colorado mais de manière encore plus importante pour les non-résidents. Devant ces évolutions différentiées, les auteurs évoquent l’hypothèse selon laquelle les campagnes de prévention et d’éducation, contemporaines à la libéralisation du cannabis, se seraient focalisées de façon privilégiée sur les populations locales et rappellent l’importance de mettre à disposition de chacun, sur chaque point de vente, des recommandations pour un bon usage du cannabis.
Source : Howard S. Kim, Katelyn E. Hall, Emma K. Genco, Mike Van Dyke, Elizabeth Barker, Andrew A. Monte, "Marijuana tourism and emergency department visits in Colorado (Letter to the editor)", New England journal of medicine, 25 février 2016
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