POLITIQUE DES DROGUES
Grande-Bretagne : « saison sèche »
Le Guardian consacre un article à la politique de réduction des risques liés à la consommation d’alcool en Grande-Bretagne comparée au reste du monde. Les recommandations jusqu’alors en vigueur pour les hommes (21 unités d’alcool/semaine maximum) viennent en effet d’évoluer et placent la Grande-Bretagne parmi les pays qui prévoient un seuil limite de consommation d’alcool parmi les plus bas au monde pour les hommes, avec une limite fixée à 14 unités d’alcool par semaine. Les recommandations de consommation à moindre risque pour les femmes n’évoluent pas quant à elles, avec 14 unités d’alcool maximum par semaine, contre 12,3 aux Etats-Unis ou 10,5 au Danemark notamment. Ces recommandations abordent également les liens entre alcool et cancer - ce que ne faisaient pas les précédentes recommandations de 1995 – précisant à cet égard que la consommation régulière d’alcool, y compris modérée, est associée à un sur-risque de développer un cancer.
Source : "How do the UK's new alcohol guidelines compare with the rest of the world's?", The Guardian, 8 janvier 2016
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Education thérapeutique et politiques publiques contre le mésusage d’opioïdes aux Etats-Unis
Tandis que les Etats-Unis se mobilisent pour juguler l’épidémie de décès par overdose d’opioïdes, une étude envisage les changements générés par cette mobilisation. L’étude rétrospective a porté sur les doses totales d’opioïdes administrées au sein d’une clinique universitaire de soins primaires 1 an avant et un an après la mise en place de campagnes de sensibilisation auprès des patients et des praticiens et l’adoption d’une politique de plafonnement des doses administrées (équivalant à 120 mg de morphine/jour (120 mg EMJ)). Cette étude a porté sur un échantillon total de 516 patients sous ordonnance d’opioïdes en chronique. Parmi ceux-ci, avant l’adoption de ces politiques, 116 patients (22 %) se voyaient délivrer des doses élevées (>120 mg EMJ). Après l’entrée en vigueur de ces politiques, la dose journalière moyenne d’opioïdes administrée avait chuté à 64 mg EMJ (95 % IC 32-96, p<0.001). 41 des patients auxquels étaient prescrites des doses élevées d’opioïdes avaient vu les doses diminuer en-deçà de 120 mg MJ, soit 37 % d’entre eux bien que les chiffres concernant les femmes en situation de mésusage soient moins encourageants, celles-ci apparaissant moins enclines à jouer le jeu de cette politique de limitation des prescriptions. Devant ces résultats inégaux, les auteurs concluent en saluant les efforts déployés qu’ils estiment cependant devoir être renforcés avec notamment des programmes spécifiques à l’attention des femmes.
Source : Melissa B. Weimer, Daniel M. Hartung, Sharia Ahmed, Christina Nicolaidis, "A chronic opioid therapy dose reduction policy in primary care", Substance abuse, 1er décembre 2015
PREVENTION DES RISQUES
Les affinités électives
Originale et subtile dans son approche, une nouvelle étude en sciences sociales montre comment l’alcool intervient dans la construction de l’amitié chez les adolescents. La consommation d’alcool y est en effet analysée comme l’une des technologies dont la jeunesse contemporaine se servirait pour construire ses liens d’amitié. L’alcool comme ethos social module les multiples négociations affectives qui au quotidien façonnent l’identité des adolescents et les interactions au sein du groupe. La prise d’alcool - dans la perte de repères, la vulnérabilité, l’allégresse, le frisson qu’elle peut entraîner - noue, dénoue les amitiés, met à l’épreuve la responsabilité des adolescents, leur altruisme, leur intégrité et leur sens de l’honneur, galvanise ou au contraire sabote les amitiés, leur confère respect ou opprobre auprès des autres… Or la conscience de ce système complexe d’interactions et la place que l’alcool peut y jouer, devrait inspirer selon l’auteure, les campagnes de réduction des dommages liés à l’alcool auprès des jeunes.
Source : Sarah MacLean, "Alcohol and the constitution of friendship for young adults", Sociology
Alcool et jeu excessif : un cocktail délétère
La consommation d’alcool chez les joueurs excessifs tend à favoriser les idées suicidaires. C’est ce que suggère une étude en population générale conduite à partir des données de la Canadian Health Survey (4-1), une enquête nationale transversale évaluant les déterminants de santé des canadiens. En effet, si la consommation d’alcool ne prédit pas à elle seule une plus grande propension au suicide chez les joueurs non pathologiques, les idées suicidaires sont plus répandues chez les joueurs excessifs qui consomment régulièrement de l’alcool, l’alcool étant identifiée ici comme la variable modératrice affectant le lien entre jeu excessif et idées suicidaires.
Source : Hyoun S. Kim, Melissa Salmon, , Michael J.A. Wohl, , Matthew Young, "A dangerous cocktail: Alcohol consumption increases suicidal ideations among problem gamblers in the general population", Addictive behaviors, 2016
PHARMACOLOGIE
Des souris et des hommes
L’administration répétée d’inhibiteurs d’acétylcholinestérase (AChE) pourrait modifier sensiblement le comportement des fumeurs de tabac. C’est ce que suggère une étude pilote parue dans la revue Translational Psychiatry. Des premiers résultats prometteurs chez des rats en condition d’auto-administration de nicotine ont en effet encouragé l’équipe de chercheurs américains à tester, dans le cadre d’un essai randomisé, l’administration répétée de galantamine chez des individus fumeurs décidés à arrêter de fumer. Un traitement leur a été administré durant deux semaines (8 mg/jour semaine 1 et 16 mg/jour semaine 2). A l’issue de cette période, les fumeurs sous galantamine présentaient une réduction significative de la satisfaction de fumer (P<0.001, d=1,3), et une sensation de récompense moindre après avoir fumé (P<0.001, d=1,3), contrairement au groupe placébo ne rapportant pas d’évolution sur ces deux critères. La consommation de cigarettes avait baissé pour les deux groupes comparée aux données de base. Elle correspondait à une réduction de 12 % soit 2,3 cigarettes en moins par jour (± 0.32, d=0.38) pour le groupe test contre 7 % pour le groupe placébo, soit 1,3 cigarette en moins par jour (±0.3, d = 0.19). Enfin, des analyses complémentaires ont permis d’invalider l’hypothèse d’une corrélation entre les effets indésirables de la galantamine et ces changements de comportements chez le groupe test.
Source : RL Ashare , BA Kimmey , LE Rupprecht, ME Bowers, MR Hayes, HD Schmidt, "Repeated administration of an acetylcholinesterase inhibitor attenuates nicotine taking in rats and smoking behavior in human smokers", Translational Psychiatry, 2016 6: e713; 10.1038/tp.2015.209
« Under the skin »
La Food and drug administration (FDA) se prononcera le 27 février prochain sur la Probuphine et son éventuelle mise sur le marché. Développé par Braeburn Pharmaceuticals, cet implant sous-cutané opère par libération en continu de faibles doses de buprénorphine. Recalé en 2012 pour des doses jugées trop faibles et un bénéfice pour les patients trop incertain, le dispositif a cette fois convaincu des experts de l’Agence fédérale de santé. Sous réserve de l’approbation de la FDA, le laboratoire a déjà annoncé la formation de 1 500 praticiens dans les six mois de son lancement, pour contrôler le risque de saignements ou infections lors de la mise en place de l’implant, l’un des points faibles du dispositif.
Source : "Federal health advisers recommend approval Tuesday for an experimental implant designed to treat patients recovering from heroin", The Associated Press, 13 janvier 2016
CANNABIS
Usage régulier de cannabis et lésions de l’hippocampe
Le tournant législatif en faveur de la dépénalisation du cannabis met les professionnels de santé dans une situation inédite. Elle requiert de leur part une connaissance avertie de ses effets physiologiques et neuroanatomiques, des situations cliniques où sa prescription s’avère pertinente, des populations les plus à risques, ou encore des dommages associés à un usage répété, d’où l’importance de recommandations et orientations pour la pratique clinique, accessibles, basées sur des données probantes. Menée auprès de 111 participants, dont 74 usagers de cannabis réguliers avec en moyenne 15,4 années d’usage derrière eux et une population-contrôle de 37 non-usagers, une nouvelle étude apporte des éléments nouveaux quant aux effets du cannabis sur l’intégrité de l’hippocampe. Parmi les données obtenues par IRM, les usagers de cannabis réguliers présentaient un hippocampe de moindre densité comparés aux individus contrôle. Les usagers non exposés au cannabidiol (CBD) présentaient un volume hippocampique 11 % plus réduit et une concentration en N-acétylaspartate (NAA) 15 % plus faible. En revanche, les usagers exposés au CBD et les anciens usagers ne présentaient pas, sur ces aspects, de mesures hippocampiques différant de la population-contrôle. A partir de ces mesures, 3 modèles d’ajustement de courbe ont permis de conforter l’hypothèse suggérant que c’est l’exposition au tétrahydrocannabidiol (THC) qui endommage l’hippocampe tandis que ces lésions peuvent être minorées par une exposition au CBD dont est souligné ici l’effet neuro-protecteur et qu’il s’agit de dommages réversibles en cas d’abstinence sur le long terme.
Source : Yücel M, Lorenzetti V, Suo C, Zalesky A, Fornito A, Takagi M, Lubman D, Solowij N., "Hippocampal harms, protection and recovery following regular cannabis use", Translational Psychiatry
SANTE COMMUNAUTAIRE
AERLI : un programme de santé communautaire innovant et efficient
Une intervention éducative en face à face sur les risques infectieux et dommages associés à l’injection de drogues peut limiter significativement les pratiques à risque chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI) et les dommages liés à l’injection. C’est ce qu’a montré une équipe française à propos de l’impact du programme d’accompagnement et d'éducation aux risques liés à l'injection (AERLI) auprès d’une population d’UDVI (n=113) répartie sur 9 groupes d’intervention comparée à une population contrôle (n=127) répartie sur 8 groupes. Parmi les résultats de cette étude à 6 mois et 12 mois : les pratiques à risque de contamination au VIH-VHC observées chez 44 % des usagers-test au moment de l’inclusion ne concernaient plus que 25 % d’entre eux à 6 mois. De la même façon, au moment de l’inclusion, 66 % de la population test présentaient des complications sur les sites d’injection, contre 39 % à 12 mois. Ces deux indicateurs demeuraient stables au sein de la population contrôle. Plus globalement, les usagers-test déclaraient, à 6 mois, moins de pratiques à risque de contamination (IC 95 % -0.73 [-1,47 – 0.01]) et, à 12 mois, moins de complications associées aux pratiques d’injection (IC 95 % -1.01 [1.77 - 0.24]) comparés aux usagers-contrôle. Avec des résultats prometteurs suggérant une efficience dans la durée, ce programme interventionnel d’éducation par les pairs se distingue également par sa facilité d’implantation et sa mise en place peu coûteuse.
Source : Roux P, Le Gall JM, Debrus M, Protopopescu C, Ndiaye K, Demoulin B, Lions C, Haas A, Mora M, Spire B, Suzan-Monti M, Carrieri MP, "Innovative community-based educational face-to-face intervention to reduce HIV, hepatitis C virus and other blood-borne infectious risks in difficult-to-reach people who inject drugs: results from the ANRS-AERLI intervention study.", Addiction. 2016 Jan;111(1):94-106. doi: 10.1111/add.13089.
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