VU D'AILLEURS
Guerre contre la drogue à Mexico : un vaste charnier
Depuis l’offensive militaire lancée contre les narcotrafiquants au Mexique fin 2006, près de 100 000 personnes ont été tuées. Les familles dont les proches ont été portés disparus et qui gardent l’espoir de retrouver les vivants ou d’enterrer leurs défunts se disent abandonnés par les autorités du pays. Entre 2006 et 2011, plus de la moitié des 40 000 personnes qui ont péri lors des confrontations armées n’a pas été identifiée. Le plus souvent les corps sont intentionnellement brûlés par les cartels ou dissous par des acides et seuls 336 corps ont été identifiés depuis 2006 parmi les 2000 corps exhumés de fosses communes disséminées à travers la campagne.
Source : "Fueling drug gangs impunity unidentified corpses pile up in Mexico", Reuters Canada, 7 septembre 2014
La Chine ou l’âge d’or des legal highs
L’usage de nouvelles substances psychoactives va grandissant dans les villes chinoises où leur production et leur distribution sont de plus en plus facilitées par des années d’urbanisation et une augmentation croissante des revenus par foyer à tel point que le pays apparaît aujourd’hui comme une nouvelle cible de choix pour la guerre contre la drogue. Que ces substances comme la kétamine, très prisée par les jeunes générations, soient légales dans certains contextes d’application à des fins médicales, rend d’autant plus complexe leur régulation. L’exportation de legal highs quant à elle est déjà en marche entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe.
Source : "Synthetic drugs are now common in Chinese cities. They are being exported, too", The Economist, 26 juillet 2014
PREVENTION DES RISQUES
Les fêtes d’anniversaires propices à la consommation excessive d’alcool au Canada
Les fêtes d’anniversaire sont associées à une forte prévalence de consommations d’alcool à risque chez les jeunes populations au Canada, consommations pouvant conduire jusqu’à l’hospitalisation. Ce sont les conclusions d’une étude ayant porté sur les motifs d’admission d’individus âgés de 12 à 30 ans dans les services d’urgence hospitalière entre avril 2002 et 2007. Des pics d’admission, autour de la date anniversaire, ont été constatés à l’âge de 19 ans, âge légal de consommation d’alcool au Canada, mais aussi entre 20 et 22 ans, 23 et 26 ans, à 30 ans et aussi, plus précocement, à l’âge de 16 ans pour les jeunes garçons et à 14 ans pour les jeunes filles. Il s’agit là de la première estimation empirique des conséquences de l’alcoolisation excessive en période d’anniversaire et de ses conséquences.
Source : Callaghan RC1, Sanches M, Gatley JM, Liu LM, Cunningham JK., "Hazardous birtday drinking among young people: population-based impacts on emergency department and in-patient hospital admissions", Addiction, octobre 2014;109(10):1667-75
doi: 10.1111/add.12626.
La recherche du plaisir se passe de pression
En révélant la recherche du plaisir avec leurs amis comme l‘un des motifs de mésusage des médicaments chez les jeunes adultes, une nouvelle étude prend le contrepied de l’idée selon laquelle une forme de violence, ne serait-ce que symbolique, serait associée au mésusage de médicaments au sein des communautés de pairs qui exerceraient une pression délétère sur les membres du groupe. L’enquête réalisée entre 2011 et 2013 auprès de 404 jeunes adultes entre 18 et 29 ans entend incliner les acteurs de la prévention à tirer les leçons de ces nouvelles données.
Source : Alexandra C. Marin, Brian C. Kelly, Michael Vuolo, Brooke E. Wells, and Jeffrey T. Parsons, "Prescription drug misuse among young adults : the role of peer relationship", American Sociological Association
L’industrie du tabac s’émeut à tort des conséquences du paquet neutre sur le marché du tabac
Une enquête menée par téléphone entre 2011 et 2013 auprès des fumeurs de cigarettes de l’état de Victoria en Australie défie les messages alarmistes émanant de l’industrie du tabac (!) soutenant, comme la conséquence de la législation sur le paquet neutre entrée en vigueur en 2012, une augmentation du marché illicite de la cigarette ainsi que la mort annoncée des petits buralistes au profit des supermarchés. Or d’après cette enquête, ni les modes d’approvisionnement ni le recours à la contrebande n’ont évolué de façon significative durant cette période. Bien que les auteurs de cette étude aient à admettre que le recours à la contrebande est difficile à évaluer, il n’est en rien tel que les études financées par l’industrie du tabac le laissaient penser, notamment l’étude publiée par KPMG en octobre 2013 "Illicit tobacco in Australia, 2013, half year report".
Source : Michelle Scollo, Meghan Zacher, Sarah Durkin, Melanie Wakefield, "Early evidence about the predicted unintended consequences of standarised packaging of tobacco products in Australia: a cross sectional study of the place of purchase, regular brands and use of illicit tobacco", BMJ, juillet 2014
doi:10.1136/bmjopen-2014-005873
La shooting gallery à Sydney : un modèle à suivre ?
Depuis l’ouverture du Sydney Medically Supervised Injecting Centre, l’un des premiers centres d’injection supervisée ouverts dans le monde, près de 14 410 usagers ont été accueillies pour un total de 860 000 visites. Si 4397 overdoses ont été enregistrées depuis son ouverture en 2001, aucune n’a eu d’issue mortelle. C’est d’ailleurs une donnée remarquable : aucune overdose létale n’a été constatée dans les 92 centres d’injection supervisée dans le monde. En plus de fournir un espace sécurisé et un cadre légal pour les injecteurs, ces centres participent à la prévention du risque de contamination par le VIH ou le VHC notamment en limitant le partage des seringues. Les atouts en termes de santé publique de ces centres sont aujourd’hui reconnus. Les professionnels impliqués sont formels, les faits sont là : l’injection supervisée tout comme la distribution de préservation et l’échange de seringues sauve des vies.
Source : André Picard , "What supervised injection sites can teach Canada about health and drug addiction", The Globe and mail, 22 juillet 2014
Get high and down
Le New York Times se fait l’écho d’un rapport récent du National Transportation Safety Board qui constate que les pilotes tués dans des crashs d’avion en 2012 ont été identifiés comme ayant consommé des substances psychoactives et qu’il s’agit de pratiques 4 fois plus fréquentes que chez leurs homologues en 1990 (39,6 % en 2012 VS 9,6 % en 1990). Autre élément : le rapport souligne que les polyconsommations ont également augmenté sensiblement. Un défaut d’information sur les effets liés à ces consommations de drogues ou au mésusage de médicaments sur prescription comme les antihistaminiques dont le risque associé d’hypovigilance est bien connu, est invoqué pour expliquer cette augmentation significative des pratiques à risque chez les pilotes.
Source : Matthew l. Wald, "Rise in drug use is found in pilots killed in crashes", New York Times, 9 septembre 2014
EPIDEMIOLOGIE
Le coût social caché de l’abus d’alcool
Une consommation d’alcool à risque serait associée à des dysfonctionnements cognitifs et mnésiques, voire liée au risque de démence, à long terme. C’est ce que tend à montrer une étude prospective ayant porté sur la relation entre antécédent d’usage problématique d’alcool et survenue de troubles mnésiques et cognitifs auprès d’une cohorte de 6542 adultes nés entre 1931 et 1941. C’est un sur-risque substantiel (X 2) qui a été mis en évidence dans le cadre de cette étude, qui fondée sur du déclaratif (CAGE) laisse imaginer, selon les auteurs, une sous-estimation des consommations et un sur-risque plus important encore.
Source : Elzbieta Kuzma, David J. Llewellyn, Kenneth M. Langa, Robert B. Wallace, Iain A. Lang, "History of alcohol use disorders and risk of severe cognitive impairment: a 19-year prospective cohort study", The American journal of geriatric psychiatry, Vol. 22, Issue 10, 30 juillet 2014
RECHERCHE FONDAMENTALE
Une nouvelle cible moléculaire pour prévenir l’intoxication à l’éthanol
Un ver mutant créé par un laboratoire affilié à l’université du Texas pourrait doter la recherche sur la prévention des effets liés à l’alcoolisation chez l’homme d’une nouvelle cible moléculaire à partir de l’identification chez ce ver d’une chaine de neurone, la chaîne BK, dont l’une des propriétés est d’inhiber les effets toxiques de l’alcool sans altération de sa fonction normale.
Source : Scott J. Davis, Luisa L. Scott, Kevin Hu, and Jonathan T. Pierce-Shimomura, "Conserved single residue in the BK potassium channel required for activation by alcohol and intoxication in C. elegans", Journal of neuroscience, 16 juillet 2014
RECHERCHE CLINIQUE
Addiction au sexe et addictions aux substances : un même biais attentionnel
D’après une étude publiée dans PLoS one, un comportement sexuel compulsif (CSC) et une addiction aux substances (AS) présenteraient des similitudes d’un point de vue cérébral et comportemental. C’est ce que met en évidence une étude préliminaire ayant porté sur 19 patients porteurs d’une CSC et 19 individus contrôle ayant été exposés à des vidéos à contenus pornographiques explicites. L’activité cérébrale des participants mesurée par imagerie fonctionnelle a montré l’activation de trois régions (striatum ventral amygdale, cortex cingulaire antérieur) de façon plus sensible chez les patients CSC Vs contrôle, régions activées également chez les individus AS dès lors qu’ils sont exposés aux produits. Par ailleurs, interrogés sur le degré de désir atteint lors du visionnage des vidéos pornographiques (VS émissions sportives), les patients porteurs d’une addiction au sexe affirmaient ressentir un fort désir sans toutefois apprécier davantage les vidéos pornographiques, phénomène observable également chez les AS.
Source : Daisy J. Mechelmans, Michael Irvine, Paula Banca, Laura Porter, Simon Mitchell, Tom B. Mole, Tatyana R. Lapa, Neil A. Harrison, Marc N. Potenza, Valerie Voon, "Enhanced attentional bias towards sexually explicit cues in individuals with and without compulsive sexual behaviours", Plos one, August 25, 2014
DOI: 10.1371/journal.pone.0105476
PHARMACOLOGIE
Testostérone et méthadone : hommes et femmes inégaux
L’usage de méthadone comme traitement substitutif aux opiacées serait associé à une diminution du taux de testostérone chez l’homme et non chez la femme, diminution inversement proportionnelle à la dose administrée, d’après une étude réalisée au Canada auprès d’un échantillon représentatif de 231 patients hommes et femmes dépendants aux opiacées et de 783 individus contrôle. Au regard de ces résultats qui suggèrent une pharmacocinétique de la méthadone différente chez l’homme et la femme, les auteurs croient justifié un suivi spécifique de ces patients avec la possibilité d’une thérapie de remplacement ajustée et des dosages suffisants mais les plus faibles possibles.
Source : Monica Bawor, Brittany B. Dennis, M. Constantine Samaan, Carolyn Plater, Andrew Worster, Michael Varenbut, Jeff Daiter, David C. Marsh, Dipika Desai, Meir Steiner, Rebecca Anglin, Margaret Coote, Guillaume Pare, Lehana Thabane, Zainab Samaan, "Methadone induces testosterone suppression in patients with opioid addiction", Scientific Reports 4, 26 août 2014
doi:10.1038/srep06189
Effet antidouleur du THC : les femmes plus vulnérables que les hommes
Une étude réalisée chez des rongeurs est venue caractériser une différence de sensibilité au THC chez les rats femelles comparés aux rats mâles. Outre une sensibilité à ses propriétés antinociceptives bien plus marquée chez la femelle, celle-ci développe également rapidement une tolérance à cet effet antinociceptif, et ce même si les doses administrées sont plus faibles chez la femelle (5,4 mg/kg/injection VS 7,6 mg/kg/injection), suggérant chez celle-ci un sur-risque de dépendance en cas d’exposition chronique aux cannabinoïdes.
Source : Wakley AA, Wiley JL, Craft RM, "Sex difference in antinociceptive tolerance to delta-9-tetrahydrcannabinol", Drug and alcohol dependance
Une enzyme capable d’hydrolyser la cocaïne chez le singe
Une nouvelle étude vient conforter l’hypothèse d’une action protectrice de l’estérase de cocaïne quant aux effets de la cocaïne sur le système nerveux du fait de sa capacité à éliminer rapidement et à hydrolyser en périphérie la cocaïne présente dans le cerveau plus encore dès lors que cette enzyme est contenue dans le plasma sanguin. Ainsi outre ces effets cardio-protecteurs déjà identifiés dans la littérature, cette étude en tomographie par émissions de positons (PET) démontre chez le singe rhésus l’action de cette bactérie sur la cocaïne telle un « vidange » périphérique (peripheral ‘sink’).
Source : L L Howell, J A Nye, J S Stehouwer, R J Voll, J Mun, D Narasimhan, J Nichols, R Sunahara, M M Goodman, F I Carroll and J H Woods, "A thermostable bacterial cocaine esterase rapidly eliminates cocaine from brain in non human primates"
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