POLITIQUES DES DROGUES
Échange pavot contre épis de maïs
Le Guatemala planche sur un projet de légalisation et de taxation de la marijuana à usage thérapeutique pour enrayer la mainmise du crime organisé sur l’économie du pays et financer des dépenses sociales. Par ailleurs, proposer aux fermiers des cultures alternatives (maïs, pommes de terre, pois) pour incliner la courbe de production de narcotiques dont on sait qu’elle séduit les foyers pauvres constitue l’une des idées originales avancées dans le cadre de cette concertation.
Source : Mike McDonald, "Guatemala eyes alternative crop subsidies to dampen poppy allure", Reuters, 13 mai 2014
La ruée vers l’or vert
La légalisation de l’usage du cannabis dans les états de Washington et du Colorado du fait de leur caractère « exceptionnel » au regard de la législation en vigueur dans les autres états américains n’est pas sans créer certaines tensions tangibles. Un indice de ces tensions est la persistance de plantations illégales de marijuana dans le Colorado destinées à pourvoir des villes comme Chicago dans lesquelles l’usage récréatif de marijuana demeure interdit. Une politique des drogues à deux vitesses qui pourrait à terme rendre problématique l’extension de cette expérimentation à travers les Etats-Unis.
Source : Dan Roberts, "Colorado's unregulated marijuana grow sites persist despite legal 'green rush", The Guardian, 23 mai 2014
VU D'AILLEURS
Une nouvelle ruse contre le marché noir
Pour contrer le marché noir du cannabis, l’Uruguay s’est lancé un nouveau défi : rendre compétitif le prix du cannabis produit légalement en l’exemptant de taxes. Aussi, sous peu, les uruguayens pourront acquérir jusqu’à 10 grammes de cannabis par semaine dans les pharmacies, pour un montant allant de 85 cents à un dollar le gramme, un prix similaire à celui du marché noir. L’audace du pays en matière de législation associée aux drogues est l’objet de toutes les attentions au sein des autres pays d’Amérique latine et aussi de l’opinion internationale et n’est pas sans avoir contribué à la remise en question du modèle prohibitionniste.
Source : Malena Castaldi , "Uruguay to sell marijuana tax-free to undercut drug traffickers", Reuters Canada, 19 mai 2014
PREVENTION DES RISQUES
How to drink properly?
Une campagne de sensibilisation vidéo, The how to drink properly campaign, visant à suggérer aux jeunes australiens un certain bon sens dans le cadre de leur consommation d’alcool a été lancée en février dernier sur les médias sociaux. Imaginée et financée par l’industrie, cette campagne connaît un succès intéressant auprès des jeunes. Outre sa diffusion évaluée à 2 millions de visiteurs et sa circulation virale avec 55 000 interactions via Facebook, cette campagne et les messages qu’elle véhicule, conçus spécifiquement dans un langage audible par les jeunes, semble déjà à ce stade incliner ces derniers à une conduite plus responsable avec l’alcool.
Source : Natasha Boddy, "Classy campaign a winner for safe drinking"
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Alliance mondiale contre l’hépatite C
Constituée de représentants de l’OMS et d’états membres de l’ONU, la 67e World health assembly rappelle avec force la nécessité de rendre plus accessible les traitements de l’hépatite C et de lancer des programmes de réduction des dommages à l’attention des usagers de drogues par voie injectable, population la plus exposée au risque de contamination à l’hépatite C, notamment par la systématisation de programme d’échange de seringues et la mise à disposition de traitement de substitution.
Source : Antigone Barton, "Hepatitis resolution passed by 67th World Health Assembly includes calls for increased access to new medicine, syringe exchange", Center for global health policy’s blog, 22 mai 2014
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Culture professionnelle, genre et prévention du risque alcool
Les outils de prévention des risques liés à la consommation d’alcool et leur efficacité peuvent différer en fonction des populations auxquelles ils s’adressent. C’est l’hypothèse d’une revue systématique de la littérature qui s’est intéressée à la prévention sur les espaces de travail essentiellement masculin, notamment en termes de faisabilité. D’après les huit études retenues ayant satisfait aux critères de validité scientifique, la prévention est possible dans ces univers de travail et les interventions reconnues comme efficaces sont : le repérage des consommations à risque dès lors qu’il cible les individus à risque, les interventions animées par des pairs sur le lieu de travail visant à faire évoluer les comportements, les interventions brèves sur le risque alcool auprès des populations repérées comme à risque, une politique interne concertée des usages d’alcool et de drogues au travail largement identifiée et diffusée, des programmes d’assistance à l’attention des employés pour la réduction des dommages liés à la consommation d’alcool voire une combinaison de ces interventions pourvu qu’elles respectent la culture et les sous-cultures professionnelles propres aux métiers.
Source : "A systematic review of alcohol interventions among workers in male-dominated industries", Journal of men’s health, 9 mai 2014
doi:10.1089/jomh.2014.0008
Auteurs : Nicole K. Lee, Ann M. Roche, Vinita Duraisingam, Jane Fischer, Jacqui Cameron, Ken Pidd
Boissons énergisantes et alcool : une combinaison à risque
Les boissons énergisantes ne constituent pas la voie royale vers la sobriété. Loin s’en faut. Une étude australienne a cherché à élucider les considérations qui sous-tendent la consommation de mélanges boissons énergisantes et alcool chez les jeunes. D’après les données recueillies auprès d’un échantillon de 594 étudiants (âge moyen 22,3), la recherche du plaisir, la sociabilité et un contrôle de son alcoolisation (“intoxication–reduction” motives) constituent les raisons invoquées le plus souvent au sein de ces populations, illustrant une méconnaissance des dangers associés à ces mélanges, méconnaissance qui entretient le risque d’alcoolo-dépendance et d’accidents.
Source : "Combined alcohol and energy drink use: motivations as predictors of consumption patterns, risk of alcohol dependence, and experience of injury and aggression", Alcoholism: Clinical & Experimental Research, 20 mai 2014
Auteurs : Nicolas Droste, Lorraine Tonner, Lucy Zinkiewicz, Amy Pennay, Dan I. Lubman, Peter Miller
EPIDEMIOLOGIE
Les nouveaux visages de la consommation d’héroïne
Parue dans la revue Jama Psychiatry, une nouvelle étude rétrospective analyse les évolutions démographiques liées à la consommation d’héroïne aux Etats-Unis eu égard à ce qu’elle était il y a cinquante ans. Le profil de l’usager qui en émerge est celui d’un habitant de petites villes ou des régions non urbaines appartenant aux classes moyennes, la consommation ne touchant plus spécifiquement les minorités urbaines comme dans les années 60. Par ailleurs, les premières expériences de consommation sont plus tardives. Une hypothèse avancée par les auteurs est la disponibilité plus précoce aujourd’hui d’opioïdes sous prescription médicale et les détournements possibles associés. La consommation d’héroïne pouvant apparaître par la suite comme moins onéreuse, plus accessible, plus facile à injecter que les opioïdes sur prescription de type OxyContin. Puisqu’il ne s’agit pas d’une étude de cohorte et parce que l’échantillon a été construit à partir d’individus sous traitement (les usages récréatifs n’ayant pas été inclus), les auteurs insistent sur les limites de ces résultats tout en soulignant leur valeur indicative dans le cadre d’une réflexion épidémiologique.
Source : "The changing face of heroin use in the united states. A retrospective analysis of the past 50 years", Jama Psychiatry
Auteurs : Theodore J. Cicero, Matthew S. Ellis, Hilary L. Surratt, Steven P. Kurtz
RECHERCHE FONDAMENTALE
Prédispositions génétiques et cocaïno-dépendance
Une nouvelle étude d’association pangénomique contrôlée réalisée à partir d’un vaste échantillon de 12 000 sujets humains met en évidence le gène FAM53B - gène identifié comme régulateur de la prolifération cellulaire – en tant que facteur de risque de développer une dépendance à la cocaïne. Sans précédent dans la littérature, cette découverte confortée par une corrélation statistique forte devrait contribuer selon les auteurs, à une meilleure compréhension de la pathophysiologie de la cocaïno-dépendance.
Source : "Genome-wide association study of cocaine dependence and related traits: FAM53B identified as a risk gene", Molecular Psychiatry, 19, 717-723, juin 2014
doi:10.1038/mp.2013.99
Auteurs : J Gelernter, R Sherva, R Koesterer, L Almasy, H Zhao, H R Kranzlerand L Farrer
NOUVELLES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
Spice prisons
K2, clockwork orange, spice : le cannabis de synthèse fait une entrée remarquée dans les prisons de Grande Bretagne. Discret car quasi indétectable, il crée des émules auprès des prisonniers qui n’hésitent pas à le consommer « à ciel ouvert » comme s’il s’agissait de tabac roulé. Alors que les opioïdes sont devenus moins attractifs, le spice leur apparait comme une option privilégiée. Un rapport récent du Global drug survey estime que les usagers de cannabis de synthèse courent 7 fois plus le risque d’être transférés dans les services d’urgences que les usagers de « cannabis naturel ». L’organe d’inspection britannique des prisons (Her Majesty of prisons inspectorate) rapportent des états psychotiques intenses, une perte du contrôle moteur et des battements de cœur irréguliers chez les prisonniers ayant consommé cette substance. Pour l’heure, un nouvel amendement a été introduit pour permettre que des tests sur ces nouvelles substances psychoactives non contrôlées puissent être effectués dans les prisons.
Source : Symeon Brown, "Synthetic cannabis causing serious health problems in english prisons", The Guardian, 15 mai 2014
>> Consulter les données issues du Global drug survey 2014
Percée mondiale des nouvelles substances psychoactives
Un nouveau rapport du United nations office on drugs and crime (UNODC) constate une augmentation du trafic de méthamphétamines et l’arrivée massive de nouvelles substances psychoactives (NSPA) sur le marché. Production rapide, circulation fluide, chaînes d’approvisionnement démultipliées, demande importante : le marché des NSPA sape les efforts consentis en matière de santé publique. L’Afrique de l’ouest semble aujourd’hui constituer un point de raccord pour le trafic de méthamphétamine vers l’est et le sud-est de l’Asie en passant par l’Afrique du Sud ou l’Europe. Le rapport de l’UNODC confirme en outre une augmentation de l’usage de stimulants de type amphétamine en Europe déjà observé en 2011. Le khat jusqu’alors confiné à un usage traditionnel en Afrique de l’est et dans la péninsule arabique investit la Grande-Bretagne et la Hollande tandis que des saisies ont été réalisées dans l’est et le sud-est de l’Asie devenus cultivateurs de l’arbuste.
Source : "Methamphetamine trafficking increases, new psychoactive substance flood markets, according to new UNODC report", Communiqué de presse UNODC, 20 mai 2014
>> Consulter la synthèse du rapport 2014
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