POLITIQUES DES DROGUES
Surveiller et punir
Le Tennessee devient le premier état des États-Unis à promulguer une loi autorisant la poursuite en justice des femmes enceintes ayant eu recours à l’usage de substances psychoactives pendant leur grossesse. Selon ses opposants, cette loi qui fait fi des recommandations émises par les médecins et experts de l’addiction et de la santé des femmes est « dangereuse », d’autant qu’elle devrait toucher plus particulièrement les femmes précaires issues des minorités ethniques habitant les zones rurales, territoires mal pourvus en structures de soin.
Source : Katie Mcdonough, The Salon, 30 avril 2014
Une souche de marijuana pour traiter l’épilepsie
La presse américaine se fait l’écho d’un projet de loi visant à autoriser aux médecins la prescription d’une souche spécifique de marijuana pauvre en THC et en cannabidiol dans l’intention de mieux contrôler les épisodes d’épilepsie et d’autres pathologies sévères. En Floride, on évalue à 125 000 le nombre de personnes souffrant d’épilepsie. Perçu par certains comme susceptible d’ouvrir la voie à la légalisation d’autres drogues, ce projet de loi n’est pas sans susciter de vives controverses dans la communauté politique.
Source : Bill Coterell, “Florida lawmakers approve medical marijuana bill”, Reuters, 2 mai 2014
Prix minimum des spiritueux : la Cour de justice d’Edimbourg botte en touche
Une proposition de loi visant à définir un prix minimum pour toutes les boissons alcoolisées en Ecosse, mesure dont on sait l’efficacité en termes de réduction des risques, sera examinée par la Cour de justice de l’Union européenne, seule légitimée, d’après la Cour de justice d’Edimbourg, à statuer sur cette décision susceptible d’affecter le libre échange et la concurrence sur le marché des spiritueux.
Source : Severin Carell, The Guardian, 30 avril 2014
The time they are e-changin’
C’est au tour de la prestigieuse London School of Economics de dénoncer l’échec des politiques prohibitionnistes et d’en appeler à un nouveau paradigme basé sur des preuves d’efficacité empiriques hors idéologie et à une réaffectation des ressources pour financer la réduction des risques et la dispensation de traitements pour les usagers de drogues.
>> Consulter le rapport du LSE Expert Group on the Economics of Drug Polic
Son écho dans les medias US : Janelle Jordan, “War on drugs a global failure, London school of economics says”, CBC News, 9 mai 2014
VU D'AILLEURS
Génération yaba
La culture de pavot croît dans le Triangle d’or d’après un article paru dans the Economist. Celle-ci aurait augmenté de 13% en Birmanie entre 2012 et 2013 et atteindrait 57 800 hectares soit le double de ce qu’elle était en 2006. Le Laos et la Birmanie produisent à eux-seuls 893 tonnes d’opium soit 18 % de la culture mondiale. La culture du pavot constitue une option financière rentable pour les foyers pauvres. L’état Shan se distingue aussi par la production d’une métamphétamine connue sous le nom de yaba produisant à lui seul 1 milliards de pilules par an. Le yaba, peu cher, est un moyen d’évasion facile adulé par les jeunes populations déshéritées.
Source : “Myanmar and drugs Getting higher”, The Economist, 12 avril 2014
Un pays sous influence
L’inspecteur général à la reconstruction de l’Afghanistan ne cache pas son désarroi et ses doutes à l’égard des capacités du pays à enrayer l’industrie des narcotiques. Depuis octobre 2001, les Etats-Unis ont investi quasi en vain près de 7,5 milliards de dollars pour mettre fin à la culture du pavot en Afghanistan. Imaginer que le pays puisse y parvenir de lui-même semble illusoire. En 2013 la culture du pavot mobilisait 500 000 acres soit plus de 36 % de plus de terre cultivée qu’en 2012, l’Afghanistan produisant la quasi-totalité de l’opium mondial.
Source : Mark Thomson, “Ending Afghanistan’s drug addiction is looking like ‘Mission implausible’”, 1er mai 2014
PREVENTION DES RISQUES
Polyconsommations et sur-risque d’accident
Une étude américaine, réalisée à partir des données issues de plusieurs sondages menés entre 1976 et 2011 auprès de lycéens, a identifié et évalué en termes statistiques les habitudes de consommation de substances psychoactives associées au risque de conduite dangereuse et d’accidents de la route. Parmi les résultats observés : les polyconsommations (usage simultané de cannabis et d’alcool et usage concomitant de cannabis et d’alcool) arrivent en tête des comportements de consommations les plus à risques tandis que la consommation d’alcool seule demeure un indicateur de sur-risque quoique moins important que les deux précédents.
Source : “Alcohol and marijuana use patterns associated with unsafe driving among U.S. high school seniors: high use frequency, concurrent use, and simultaneous use”, Journal of studies on alcohol and drugs, 3 mai 2014
Auteurs : Yvonne M. Terry-McElrath, Patrick M. O'Malley, Lloyd D. Johnston
Cannabis au volant
Le repérage des conducteurs sous l’emprise de substances psychoactives (SPA) constitue un défi de taille pour les forces de l’ordre canadienne et plusieurs centaines de milliers de dollars y ont été investis déjà. Cependant, on semble loin du compte : en 2012, 1126 poursuites pour conduite sous influence de SPA contre 60 000 pour conduites en état d’ébriété, faute d’expertise, la consommation de cannabis au volant, pour ne citer qu’elle, est aujourd’hui répandue. En effet, chez les étudiants, alors que la consommation d’alcool enregistre des taux significativement plus bas qu’ils l’ont été depuis des années, d’après le Centre for addiction and mental health, 1 étudiant sur 10 admet avoir pris le volant 1 heure après avoir consommé du cannabis, soit environ 31 500 étudiants dans la seule province de l’Ontario. Alors qu’en 2012 les usagers de marijuana thérapeutique étaient 28 000, on en prédit 435 000 en 2024, de quoi alimenter les craintes en l’absence de réglementation bien définie.
Source : Jessica Leeder , “The law is hazy with drug impaired motorists”, The Globe and mail, 8 mai 2014
Sans toit ni loi
Donner un logement stable aux individus sans domicile familiers des dispositifs d’hébergement d’urgence permet une prise en charge plus efficace et moins couteuse pour venir à bout des pathologies psychiatriques et/ou usages problématiques de substances fréquemment associées. C’est ce que suggère l’évaluation d’un programme canadien, le Hamilton’s transition to home program ayant été suivi par 160 participants et proposant outre une aide au logement, des loisirs thérapeutiques et un accompagnement spécifique pour les personnes en situation de dépendance.
Source : “Treat homelessness first, everything else later: study”, St Michael
RECHERCHE FONDAMENTALE
Consommation d’héroïne et rechute : des mécanismes synaptiques spécifiques
Le modèle de la rechute induite par la drogue après extinction est bien validé chez l’animal. Or la sensibilité à la rechute est considérablement plus importante chez l’animal ayant un accès étendu à l’héroïne dans le modèle d’auto-administration. Une nouvelle étude sur des rongeurs a découvert un substrat moléculaire spécifique déjà identifié pour les rechutes après sevrage alcoolique notamment : la surabondance de glutamate hors de la fente synaptique dans le compartiment dorso-latéral du noyau accumbens.
Source : “Synaptic glutamate spillover due to impaired glutamate uptake mediates heroin relapse”, Journal of neuroscience, 16 avril 2014
Auteurs : Shen HW, Scofield MD, Boger H, Hensley M, Kalivas PW.
doi: 10.1523/JNEUROSCI.4564-13.2014.
RECHERCHE CLINIQUE
Des champignons au chevet des malades du cancer
Une étude contrôlée en double aveugle avec placebo réalisée auprès d’un échantillon de 32 patients entend évaluer l’efficacité de la psilocybine sur la détresse psychosociale et plus particulièrement l’état d’anxiété associé à la progression d’un cancer et en seconde intention, ses effets sur la perception de la douleur, la dépression, la qualité de vie et l’état spirituel du malade. La psilocybine, substance délirogène présente dans près de deux cents espèces de champignons, qui produit des effets proches de ceux de la mescaline ou du LSD, est traditionnellement associée à des rituels religieux.
Source : Roc Morin, “Prescribing mushroom for anxiety”, The Atlantic, 22 avril 2014
>> Consulter la page du NEW YORK UNIVERSITY PSILOCYBIN & CANCER
NOUVEAUX USAGES
L’e-cigarette en Grande Bretagne
Depuis 2010 le consortium Action on smoking and health réalise des enquêtes en Grande Bretagne afin de connaître les usages de la cigarette électronique. D’après ses estimations, 2,1 millions d’adultes « vapotent » en 2014. Si en 2010, seuls 8,2% des usagers de cigarettes avaient tenté l’e-cigarette, ils sont aujourd’hui 51,7 %. En termes d’information, 95% des fumeurs et 90 % des non-fumeurs ont déjà entendu parler de l’e-cigarette. Parmi les anciens fumeurs, 11,8 % ont essayé l’e-cigarette mais seuls 4,7 % l’utilisent régulièrement. Parmi les principales raisons invoquées par ses usagers : faciliter le sevrage tabagique, réduire le volume de tabac consommé sans cesser complètement de fumer, économiser de l’argent. Quant aux jeunes, parmi ceux qui n’ont jamais fumé, 99 % rapportent n’avoir jamais utilisé une e-cigarette et 1% avoir essayé une fois ou deux. Il n’y a pas de preuve d’un usage régulier de l’e-cigarette chez les 11-18 ans qui n’ont jamais fumé ou essayé juste une fois. Par ailleurs seul 1% des 11-18 ans n’ayant jamais fumé pense qu’il pourrait essayer l’e-cigarette sous peu. Enfin, seuls les anciens fumeurs et les fumeurs quotidiens utilisent la cigarette électronique de façon régulière.
Source : Use of electronic cigarettes in Great Britain, Avril 2014
NOUVEAUX PRODUITS
Nouvelles substances psychoactives et expérimentations animales
Pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, les nouvelles substances psychoactives doivent prouver leur innocuité. Dans ce contexte, peut-on faire l’économie de l’expérimentation animale ? Manifestement non. Il n’existerait pour l’instant aucun test alternatif valide qui puisse prétendre évaluer le caractère tératogène ou la toxicité systémique de ces substances comme le peuvent les tests sur les animaux à défaut des tests in vivo sur l’homme qui demeurent le standard le plus approprié bien qu’ils exposent à des conflits éthiques pour l’heure inextricables en l’absence de tests précliniques préalables.
Source : “Legal Highs and animal testing - expert respond”, Science media center, 2 mai 2014
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