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5 novembre 2014

POLITIQUE DES DROGUES

Haro sur l’OMS

Gerry Stimson, professeur émérite à l’Imperial College London et directeur du Knowledge action change, dénonce certaines des propositions émises à Moscou le 18 octobre dernier dans le cadre de la convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac et les circonstances non démocratiques dans lesquelles elles ont été avancées, propositions jugées scandaleuses, préjudiciables à la santé publique et sans respect du principe de l’élaboration de politiques publiques basées sur des données probantes. Ces mesures visent notamment un contrôle accru de la diffusion des dispositifs électroniques tels que l’e-cigarette estimant que ces derniers constituent un problème de santé publique alors qu’ils sont bien plutôt, selon l’auteur de cette tribune, la réponse à moindre risque et citoyenne aux méfaits du tabac.

Source : Gerry Stimson, Emeritus Professor at Imperial College, London and co-director of Knowledge-Action-Change (KAC), "Statement on the declaration of the 6th conference of the parties of the World health organisation (WHO) framework convention on tobacco control (FCTC)", 18 octobre 2014

>> Consulter le communiqué de presse de l’OMS
>> Consulter les propositions relatives au dispositif électronique délivrant de la nicotine et aux dispositifs électroniques ne délivrant pas de nicotine
>> Consulter les propositions de réglementation relatives aux produits du tabac sans fumée et pipes à eau

 

PREVENTION DES RISQUES

Du stress à l’addiction

Le Quotidien d’information canadien, the Globe and Mail, a lancé une enquête en février dernier auprès de ses lecteurs visant à recueillir des données sur leurs consommations de substances psychoactives, leurs comportements à l’égard du jeu et sur les déterminants de ces consommations et comportements. Cette enquête à laquelle près de 6000 lecteurs ont répondu suggère un risque accru de consommations et comportements de type pathologiques chez les personnes soumises à un stress, tel que le Quality of work life questionnaire, a permis de le définir. Les participants décrivant des mécanismes d’adaptation importants et une bonne capacité de résilience, présentaient quant à eux un intérêt moindre pour la consommation d’alcool et la drogue ou le jeu et des indicateurs de meilleure santé physique et psychologique, le Globe and Mail d’en conclure à l’incidence du stress comme un facteur de sur-risque de conduites addictives.

Source : Bill Howatt, "Your life at work survey: Is stress putting you at risk of an addiction?", The Globe and Mail, 15 octobre 2014

 

De la naloxone en spray

Récompensé par le Norway researcher Grand Prix, un nouveau dispositif de délivrance de naloxone sous la forme d’un spray nasal devrait être testé en 2015 à Oslo et Trondheim dans le cadre d’un protocole en aveugle visant à calculer notamment le temps d’absorption de la naloxone dans le sang dès lors qu’il est délivré par voie intraveineuse/intramusculaire ou par voie aérienne, comme le permet ce spray, et ce pour mesurer leur efficacité respective sur la dépression respiratoire en contexte d’overdose. Ce dispositif entend pourvoir les services de secours et les usagers d’un outil de réduction des risques plus facile à utiliser que les méthodes de réanimation comme le bouche-à-bouche ou l’injection, et en cela limiter les décès par overdoses d’héroïne, phénomènes fréquents en Norvège.

Source : Anne Sliper Midling, "Nasal spray treats heroin overdose", Gemini, n°20, octobre 2014

 

EPIDEMIOLOGIE

Consommation d’alcool et mémoire épisodique chez les seniors

Une étude parue dans l’American journal of Alzheimer disease and other dementias suggère qu’une consommation d’alcool légère à modérée (tard dans la vie) serait associée chez les séniors de plus de 60 ans n’ayant connu ni démence ni mésusage d’alcool à une plus grande acuité de la mémoire épisodique et à un volume hippocampique plus important. La mémoire épisodique, autobiographique, désigne le processus par lequel on se souvient des événements vécus avec leur contexte (date, lieu, état émotionnel). L’analyse menée sur un échantillon de 660 patients issus de la Framingham heart study cohort, à partir d’un modèle de régression linéaire multiple, suggère un rôle critique de l’hippocampe dans cette association entre consommation d’alcool légère à modérée (tard dans la vie) et acuité de la mémoire épisodique. Des études réalisées sur des modèles animaux avaient montré l’effet protecteur d’une consommation d’alcool modérée sur le volume de l’hippocampe en favorisant le développement de nouvelles cellules nerveuses. Les auteurs avancent l’hypothèse que les séniors non soumis à une obligation de non consommation d’alcool pour des raisons médicales sont en meilleure santé que ceux pour lesquels l’alcool est interdit. De ce fait, ils présentent des capacités cognitives mieux préservées et des régions cérébrales plus volumineuses.

Source : Downer B, Jiang Y, Zanjani F, Fardo D, "Effects of alcohol consumption on cognition and regional brain volumes among older adults", American Journal of Alzheimers disease and other dementia, 7 septembre 2014 - pii: 1533317514549411
>> Consulter le communiqué de presse du département médical de l’Université du Texas
 

Cannabis et baisse des performances cognitives chez l’adolescent

Une nouvelle étude prospective visant à évaluer l’incidence du cannabis sur les performances intellectuelles et scolaires chez l’adolescent a été réalisée en Grande-Bretagne à partir des données de QI recueillies auprès de 2235 enfants de la cohorte ALSPAC, à l’âge de 8 ans puis à l’âge de 15 ans. Présentée dans le cadre du congrès annuel de l’European College of Neuropsychopharmacology à Berlin, cette étude vient pondérer l’hypothèse souvent avancée selon laquelle la consommation de cannabis altérerait les performances cognitives à l’adolescence. En effet, sans invalider cette hypothèse, l’analyse n’a pas révélé de corrélation statistique directe entre faibles résultats de QI à 15 ans et consommation de cannabis per se. En revanche, une association forte entre consommation d’alcool et baisse du QI a pu être constatée (p≤0.001) soulignant d’une part la prévalence des polyconsommations (cannabis et aussi alcool ou/et tabac) et d’autre part, le caractère multifactoriel de la performance cognitive.

Source : C. Mokrysz, S. Gage, R. Landy, M.R. Munafò, J.P. Roiser, H.V. Curran, "Neuropsychological and educational outcomes related to adolescent cannabis use, a prospective cohort study", European college of neuropsychopharmacology 2014;24(Suppl 2):S695
 

RECHERCHE FONDAMENTALE

Le cri de l’enfant, indice des consommations anténatales

Une étude translationnelle contrôlée menée d’une part sur l’humain (échantillon de 107 enfants âgés d’un mois) et d’autre part sur des souches de rats Sprague-Dawley (118 rats) a précisé les caractéristiques spectrales et phoniques des cris et pleurs du nourrisson ayant subi une exposition prénatale à la cocaïne, en tant qu’indices biologiques révélateurs de son intégrité neurocomportementale. Cette étude met en évidence une structure phonique et spectrale spécifique (changements de fréquence, acoustique, durée des cycles de cris, intensité sonore, amplitude, dysphonies, hyper-phonies) et différentielle en termes de réactivité physiologique selon les sexes, chez les enfants âgés d’un mois, constat appuyé par des observations similaires chez le rat. Ces résultats sont de nature à contribuer à un repérage  précoce des altérations neurocomportementales induites par une exposition prénatale à la cocaïne.

Source : Philip Sanford Zeskind, Matthew S. McMurray, Elizabeth T. Cox Lippard, Karen M. Grewen, Kristin A. Garber, Josephine M. Johns, "Translational analysis of effects of prenatal cocaine exposure on human infant cries and rat pup ultrasonic vocalizations", PLOS ONE, 22 octobre 2014
 

Cannabis et schizophrénie : une même prédisposition génétique ?

Si l’impact du cannabis sur la survenue de troubles schizophrènes est aujourd’hui connu et bien documenté, un doute subsiste cependant quant à la nature de cette causalité. S’agit-il d’une relation causale directe, le cannabis constituant un facteur étiopathogénique ou peut-on envisager que la schizophrénie et l’usage de cannabis se disputent un même terrain génétique ? Cette seconde hypothèse a été mise à l’épreuve dans le cadre d’une étude réalisée sur un échantillon de 2082 individus sains soumis à des mesures génotypiques et phénotypiques chez lesquels, pour certains d’entre eux, une association a pu être montrée à partir d’un examen des scores de risque polygéniques, entre l’existence d’allèles de susceptibilité à la schizophrénie et l’usage de cannabis, association qui prend tout son sens selon les auteurs, dès lors que l’on cherche à mesurer l’impact de l’environnement sur le déclenchement d’une maladie schizophrénique.

Source : R A Power, K J H Verweij, M Zuhair, G W Montgomery, A K Henders, A C Heath, P A F Madden, S E Medland, N R Wray and N G Martin, "Genetic predisposition to schizophrenia associated with increased use of cannabis", Molecular Psychiatry (2014) 19, 1201–1204; doi:10.1038/mp.2014.51
 

SOCIETE

Crypto-markets : les descendants de la Route de la soie

Le magazine hebdomadaire the Economist se fait l’écho des données récentes relatives à la vente de drogues illicites sur Internet produites par la Digital citizens alliance depuis la fermeture du site Silk Road. Loin d’avoir contribué à une baisse du marché des drogues illicites sur internet, cette fermeture semble au contraire avoir créé des vocations. La relève semble en effet assurée, en témoigne l’augmentation des annonces de vente de produits pour les nouveaux géants du marché comme Silk Road 2.0, Agora et Evolution qui pour ces deux derniers en cumulent à eux seuls 36 000 annonces. La tendance serait cependant à l’éclatement et à la déconcentration des plateformes de vente pour échapper aux autorités de contrôle du marché noir sur la toile. Enfin, après la fermeture de la Silk road et le scandale des bitcoins, le « respect du client » (!) s’affiche comme une priorité chez les nouveaux venus.

Source : "The Amazons of the dark net", The Economist, 1er novembre 2014
>> Consulter le rapport de la Digital citizens alliance paru en avril 2014

 


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