POLITIQUE DES DROGUES
« Heroin response strategy »
Le nouveau plan stratégique imaginé par le gouvernement américain pour répondre à l’« épidémie » de consommation d’héroïne que connait le pays a été dévoilé le 17 août dernier. Parmi les mesures adoptées, les régions les plus touchées comme Philadelphie, New York, New Jersey, les Appalaches, la Nouvelle Angleterre bénéficieront de fonds spécifiques. Un effort particulier sera consenti pour faciliter l’accès aux soins des personnes dépendantes. Sont annoncés également des efforts en matière de prévention et de formation des acteurs de terrain.
>> Consulter l'article de la Maison Blanche
>> Consulter le rapport et les recommandations du Center for disease (CDC)
La vente de marijuana à visée récréative autorisée dans l’Oregon
Dès octobre prochain, les habitants de l’Etat de l’Oregon âgés de 21 ans ou plus, pourront venir s’approvisionner en cannabis auprès des centres de dispensation, y compris à des fins récréatives. A l’origine de cette loi, la volonté d’enrayer le marché noir. Précédée par une mesure légalisant en juillet dernier la possession et la culture de cannabis dans la sphère privée, cette loi a fait l’objet d’un consensus au sein des deux chambres.
Source : Shelby Sebens, "Oregon governor OKs early sales of recreational-use", Reuters, 29 juillet
Haro sur le hippy crack
Le Lambeth Council vient d’interdire l’usage de gaz hilarant, une première en Grande-Bretagne. Longtemps administré en dentisterie pour soulager la douleur ou encore pour initier une anesthésie générale, il est devenu très populaire auprès des jeunes générations, desquelles il est apprécié pour son côté ludique et ses effets euphorisants. Les autorités britanniques lui attribuent cependant 17 décès entre 2006 et 2012.
Source : "London council becomes first in Britain to ban 'hippy crack' laughing gas", Reuters, 17 août 2015
VU D'AILLEURS
La production de méthamphétamine s’affirme en Afrique de l’ouest
Encore faible au regard de la production mondiale, des saisies importantes de méthamphétamines et/ou de constituants servant à sa fabrication suggèrent un développement sans précédent de la production ouest-africaine de méthamphétamine. Si elle ne représente aujourd’hui qu’une part modeste de l’ordre de 1,5 tonne sur les 107 saisies dans le monde en 2012, elle n’en reste pas moins l’objet d’une préoccupation grandissante de la part des experts qui s’inquiètent notamment du « recyclage politique » local des sommes générées par ce nouveau marché.
Source : "Special Report : West Africa’s alarming growth industry – meth", Reuters, 24 juillet 2015
PREVENTION DES RISQUES
Méthadone et prévention du VIH
Pour la première fois, une étude prospective canadienne parue dans le Lancet HIV met en évidence l’effet protecteur per se de la mise à disposition de traitement de substitution à la méthadone sur le risque de contamination par le VIH chez les injecteurs de drogues par voie intraveineuse. En effet, dès lors qu’elle est rendue accessible à travers des dispositifs et structures bas-seuil (pharmacies communautaires, médecine de ville), la méthadone limiterait l’infection par le VIH (0·64, 95 % ; IC 0·41–0·98).
Source : Keith Ahamad, Kanna Hayashi, Paul Nguyen, Sabina Dobrer, Prof Thomas Kerr, Christian G Schütz, Prof Julio S Montaner, Prof Evan Wood, "Effect of low-treshold methadone maitenance therapy", Lancet HIV, 7 août 2015
Cercles vertueux
Les programmes de prévention à l’attention des familles ont-ils un impact au-delà du cercle restreint des participants ? C’est ce que suggère une étude originale sur la portée du programme Strenghtening families program 10-14 (SFP 10-14). Réalisée auprès de 5 449 étudiants de la cohorte PROSPER non inclus dans SFP 10-14 (âge moyen 12,3 ans), l’étude a comparé l’évolution de certains comportements de santé chez des élèves fréquentant au moins 3 amis inclus dans SFP 10-14 et ceux n’ayant aucun ami inclus dans le programme. Parmi les résultats obtenus, pour des comportements tels que la consommation de substances psychoactives et le tabagisme, sur une période de 3 ans, les élèves ayant au moins 3 amis proches inclus dans SFP 10-14 présentaient des taux de consommation plus faibles que les élèves sans amis proches inclus dans SFP 10-14. Pour expliquer ces différences qu’ils associent à la diffusion des effets de SFP 10-14, les auteurs évoquent ce qu’ils considèrent comme deux facteurs clé : moins de temps libre entre amis sans supervision ("spending less unsupervided time with friends") et un changement dans la perception des produits liée à une meilleure connaissance de leurs effets acquise auprès des amis inclus dans SFP 10-14.
Source : Rulison KL, Feinberg M, Gest SD, Osgood DW., J Adolesc Health., "Diffusion of intervention effects: the impact of a family-based substance use prevention program on friends of participants.", 2015 Jul 22. pii: S1054-139X(15)00252-9. doi: 10.1016/j.jadohealth.2015.06.007.
Des enfants de militaires surexposés aux risques psychosociaux
En temps de guerre, les jeunes connectés au monde militaire via leur famille ("military-connected youth") sont plus enclins à développer des comportements à risque liés à l’usage de substances psychoactives. Ils sont aussi plus nombreux à connaître des violences et à posséder des armes à feu. C’est ce que révèle une étude comparative d’envergure ayant porté sur 54 679 enfants connectés au monde militaire (CMM) et 634 034 élèves non connectés au monde militaire (NCMM), scolarisés en collèges et en lycées. Les CMM présenteraient ainsi un taux 73 % plus élevé de consommation récente de drogues que les NCMM (cocaïne et LSD ; [OR], 1.73 ; 95 % ; IC : 1.66-1.80) et seraient aussi deux fois plus nombreux à porter une arme en milieu scolaire (OR, 2.20; 95% IC : 2.10-2.30). Selon les critères de définition du terme military-connected youth, 4 millions d’enfants seraient concernés aux Etats-Unis.
Source : Kathrine Sullivan, Gordon Capp, Tamika D. Gilreath, Rami Benbenishty, Ilan Roziner, Ron Avi Astor, "Substance abuse and other adverse outcomes for military-connected youth in California. Results from a large-scale normative population survey", JAMA Pediatrics
D’Uber dans l’accidentologie
Une étude préliminaire, en instance de publication mais déjà présentée dans quelques congrès outre-Atlantique, s’est intéressée à l’impact du service d’auto-partage payant UberX sur la santé publique. Les auteurs ont en effet comparé les taux de mortalité liés à l’alcool au volant (LAV) avant et après l’arrivée d’Uber, dans 540 municipalités de l’état de Californie. Les données analysées sur une période allant de 2009 à 2014, suggèrent une baisse de la mortalité LAV de l’ordre de 3,6 à 5,6 % dans les municipalités d’implantation d’Uber. Cette baisse de la mortalité semble associée aux prix proposés par ce service spécifique, le moins cher, ces résultats n’ayant pas été observés pour Uber Black, un service plus onéreux. Accessibilité et prix raisonnable semblent constituer des arguments de poids dans le choix d’opter pour Uber plutôt que pour son véhicule personnel.
Source : Brad N. Greenwood, Sunil Wattal, "Show me the way to go home: an empirical investigation of ride sharing and alcohol related motor vehicle homicide" (en instance de relecture)
NEUROBIOLOGIE DES ADDICTIONS
Un pas de géant dans la compréhension des mécanismes moléculaires de l’addiction
La neurophysiologie des comportements motivés par la récompense est sous-tendue par des interrelations complexes entre le noyau accumbens (NAc) et d’autres aires cérébrales. L’étiologie de l’addiction suggère quant à elle la dérégulation de neurotransmetteurs, dont la dopamine (DA) avec un rôle central. Le rôle dans l’addiction des interneurones cholinergiques (TANS) du NAc est encore largement mal connu mais il est communément accepté qu’ils participent à la régulation du comportement de récompense. En effet, la destruction spécifique des TANS entraine une forte diminution des effets « récompensant » de la cocaïne. Pendant longtemps on a considéré que cette fonction des TANS était liée à leur capacité à libérer de l’acétylcholine (ACh). Or, une lignée de souris n’exprimant plus le transporteur vésiculaire de l’ACh (VAChT) dans les TANS a récemment été développée et on observe que cette mutation abolit totalement la libération d’ACh dans le NAc. De façon surprenante, chez ces souris la cocaïne conserve toutes ses propriétés renforçantes. Cette observation suggère donc que ça n’est pas l’ACh libérée par les TANS qui module les circuits de la récompense et donc qu’ils utilisent un autre neurotransmetteur.
Une équipe franco-canadienne avait observé déjà que les TANS expriment le transporteur vésiculaire atypique du glutamate : VGLUT3. Leurs résultats et ceux de la littérature établissaient que VGLUT3, d’une part augmentait la transmission cholinergique et d’autre part permettait au TANS de libérer du glutamate. De plus, tout comme les souris ayant perdu leurs TANS, les souris n’exprimant plus VGLUT3 (VGLUT3-KO) étaient beaucoup plus sensibles aux effets de la cocaïne.
D’où deux hypothèses majeures que cette équipe a validées dans le cadre d’une nouvelle étude très remarquée parue dans Molecular Psychiatry :
- Les TANS utilisent deux neurotransmetteurs pour communiquer et non pas un seul : l’acétylcholine et le glutamate. C’est un élément nouveau dans la compréhension de la communication neuronale.
- La modulation par les TANS des circuits de la récompense passe par libération de glutamate, celui-ci jouant un rôle régulateur, chez l’animal et chez l’homme comme le suggère la combinaison d’études expérimentales développées par cette équipe.
Source : Sakae DY, Marti F, Lecca S, Vorspan F, Martín-García E, Morel LJ, Henrion A, Gutiérrez-Cuesta J, Besnard A, Heck N, Herzog E, Bolte S, Prado VF, Prado MA, Bellivier F, Eap CB9, Crettol S, Vanhoutte P, Caboche J, Gratton A, Moquin L, Giros B, Maldonado R, Daumas S, Mameli M, Jamain S, El Mestikawy S., "The absence of VGLUT3 predisposes to cocaine abuse by increasing dopamine and glutamate signaling in the nucleus accumbens.", Molecular Psychiatry, 4 aout 2015 doi: 10.1038/mp.2015.104.
E-CIGARETTE
Expérimenter n’est pas jouer
Dans une lettre à l’éditeur publiée dans Nicotine and tobacco research, une équipe de recherche présente succinctement les résultats de quatre études britanniques dont la méthodologie a permis de distinguer usage régulier et expérimentation lorsqu’il s’agit de la cigarette électronique chez les jeunes. Ces résultats suggèrent que si une proportion importante d’adolescents a fait l’expérience de l’e-cigarette (entre 8 % et 12 % selon les enquêtes incluses), une part très faible en revanche fait état d’un usage régulier, au-delà d’un mois (entre 0,4 % et 2 %).
Source : Bauld L, MacKintosh AM, Ford A, McNeill A, "E-cigarette uptake amongst UK youth : experimentation, but little or no regular use in non-smokers", Nicotine and tobacco research, 6 août 2015
A propos des nouvelles données relatives à la cigarette électronique dans une perspective de réduction des risques, consulter la dernière mise au point mandatée par l’agence britannique Public Health England.
INSOLITE
Je bois comme je respire
Un bar « nouvelle génération » dans l’est de Londres propose à ses clients d’inhaler des vapeurs d’alcool plutôt que de les boire, invitant à une « expérience immersive de l’alcool ». Vêtu de combinaison pour limiter l’exposition des vêtements à la forte humidité ambiante, il faudra au consommateur environ 40 minutes pour absorber l’équivalent d’un grand verre d’alcool. Se présentant comme un concept « responsable », la durée des sessions est limitée à 1 heure et coûte 10 £. Pour les nostalgiques, l’expérience plus classique du vin et de la bière dans des verres est aussi proposée.
Source : Alison Lynch, "Bored of drinking booze? Don’t worry, because there’s a new London cocktail bar that lets you inhale it", Metro, 20 juillet 2015
Ces suisses qui aimaient les blondes
Une équipe de scientifiques suisses s’est lancée en début d’année dans un projet ambitieux et inédit : le séquençage du génome de 1 000 bières à partir d’une analyse de leurs composants respectifs. Leur objectif à court terme : le lancement d’une application pour smartphone dédiée, Beer decoded à l’automne, à l’occasion de l’Oktober Fest, rencontre festive à Munich bien connue des amateurs. Modèle de science collaborative puisqu’il a suscité le rapprochement de deux laboratoires distincts, il bénéficiera également d’un financement participatif.
Source : "Le génome de la bière décodé", Le Temps
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