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2 avril 2014

POLITIQUES DES DROGUES

Les préludes d’une crise de santé publique

L’International HIV/AIDS Alliance ukrainienne fait part de son inquiétude à propos du sort des usagers de drogues à l’issue de l’annexion de la Crimée par la Russie. Que va-t-il advenir des quelques 14 000 usagers de drogues par voie intraveineuse et des 800 patients actuellement sous traitement de substitution aux opiacés, traitement interdit en Russie ? Une véritable crise de santé publique s’annonce d’après le consortium privant les usagers des produits de substitution et outils de prévention du VIH, dès lors que 80 % des cas de VIH du pays sont liés au recours à l’injection. Au regard des avancées de la réduction des risques en Ukraine, où le nombre de nouveaux cas de VIH a chuté notamment de 7127 en 2006 à 5847 en 2013 et l’augmentation croissante des infections au VIH en Russie, les responsables de l’Alliance intiment les autorités en Crimée de ne pas suspendre la réduction des risques sur le territoire.
 
Source : International HIV/AIDS Alliance, "Annexation of Crimea will cut off 14 000 drug users from critical HIV prevention services", 20 mars 2014
 

PREVENTION DES RISQUES

Les patients sous TSO sont encore mal accueillis en officine

La chaîne CBC News attire l’attention sur l’accueil réservé par certains pharmaciens d’officine au Canada aux patients venant y chercher un traitement de substitution aux opiacés. Ni bienveillante ni particulièrement adaptée à cette population vulnérable, la conduite de ces pharmaciens à l’égard des patients sous TSO manifeste un défaut de formation, de connaissances en addictologie et de sensibilisation de ces derniers à la réduction des risques.

Source : Evan Dyer, "Recovering addicts feel like 2nd-class citizens in some pharmacies", CBC News, 19 mars 2014
 

Je vois donc je bois

Le merchandising visuel encourage la consommation d’alcool et de boissons sucrées. C’est ce que suggèrent les données issues d’une étude observationnelle réalisée en Grande Bretagne et publiée dans la revue Social Science and Medecine ayant mesuré l’impact de la mise en avant (tête de gondole, totems, enseignes lumineuses…) de certains produits avec un focus sur les boissons alcoolisées, données permettant aisément d’anticiper les bénéfices d’un contrôle plus strict de ces architectures éphémères pour la santé publique.

Source : "Sales impact of displaying alcoholic and non-alcoholic beverages in end-of-aisle locations: An observational study", Social Science and Medecine, volume 108, mai 2014, p. 68-73
Auteurs : Ryota Nakamura, Rachel Pechey, Marc Suhrcke, Susan A. Jebb, Theresa M. Marteau

 

Age légal de consommation d’alcool et mortalité

L’âge légal pour la consommation d’alcool (ALCA) a-t-il un impact sur la mortalité ? C’est ce que suggère une étude réalisée au Canada où l’ALCA s’élève à 18 ans pour les provinces d’Alberta, Banitoba et Québec et à 19 ans dans le reste du Canada. En analysant les données nationales liées aux décès entre 1980 et 2009 sur la population des individus âgés de 16 à 22 ans, dans ces provinces où l’ALCA est 18 ans, une augmentation significative et brutale de la mortalité toute cause confondue a été observée chez les jeunes hommes dès lors qu’ils ont atteint l’ALCA, augmentation à hauteur de 14.2%, p= 0.002 hors accident de la route (12.7%, p= 0.038). Dans le reste du Canada, une augmentation immédiate et sensible de la mortalité est également observée dès l’ALCA, atteignant toute cause confondue 7.2%, p= 0.003, comprenant des dommages issus de causes extérieures (10.4%, p< 0.001) ou des accidents de la route (15.3%, p< 0.001). Aussi ces données suggèrent-elles que cette période de transition vers l’ALCA constitue une période particulièrement à risques pour le jeune adulte mâle.
Par ailleurs, à partir de projections issues de cette analyse, les auteurs estiment que si l’ALCA était généralisée à 19 ans au Canada, le pays enregistrerait 7 décès en moins au bout par an tandis que si l’ALCA était réévaluée à 21 ans, 32 morts par an toute cause confondue pourraient être évitées au sein de cette population.

Source : "Impacts of drinking-age laws on mortality in Canada, 1980–2009", Drug and alcohol dependance 17 mars 2014
Auteurs : Russell C. Callaghane, Marcos Sanches, Jodi M. Gatley, Tim Stockwell
DOI : 10.1016/j.drugalcdep.2014.02.019

 

Une application smartphone pour réguler sa consommation d’alcool à risques

Publiée dans la revue Jama Psychiatry et réalisée auprès d’un échantillon de 349 patients répondant aux critères du DSM-IV de l’alcoolo-dépendance, une étude vient de mettre en évidence l’intérêt d’une application smartphone pour accompagner les patients dans leur dynamique de contrôle de leur consommation. L’étude randomisée contrôlée a permis de souligner, sur une période de 8 mois d’intervention et de 4 mois de suivi, l’impact positif de cette application comme un adjuvant dans le suivi quotidien du groupe de 170 patients bénéficiant d’un traitement combiné VS le groupe contrôle bénéficiant d’un traitement conventionnel en fonction du « nombre de journées de consommation à risques » (Risky drinking days) calculé sur le nombre de volumes standards d’alcool consommés sur une période de deux heures.

Source : "A Smartphone Application to Support Recovery From Alcoholism A Randomized Clinical Trial", Jama psychiatry  26 mars 2014
Auteurs : David H. Gustafson, PhD; Fiona M. McTavish, MS; Ming-Yuan Chih, PhD; Amy K. Atwood, PhD; Roberta A. Johnson, MA, MEd; Michael G. Boyle, MA; Michael S. Levy, PhD; Hilary Driscoll, MA; Steven M. Chisholm, MA; Lisa Dillenburg, MSW; Andrew Isham, MS; Dhavan Shah, PhD

 

FONDAMENTAL

Mécanismes moléculaires des effets de la cocaïne

Une étude translationnelle réalisée sur un échantillon d’humains et de rats, échantillon le plus important jamais étudié pour ce type de recherche, suggère une implication fonctionnelle des récepteurs 5-hydroxytryptamine (5-HT) activés par la sérotonine, en tant que facteur portant sur les mécanismes, dans la vulnérabilité des individus dans la réponse aux effets de la cocaïne (cue reactivity). D’après les données observées dans le cadre de cette étude, les individus présentant une dépendance à la cocaïne porteurs d’une variation génétique du système du récepteur sérotoninergique 5-HT2C développeraient une réponse accrue à la cocaïne, le système 5-HT2CR pourrait ainsi constituer selon les auteurs, un facteur de risque voire un marqueur biologique de propension au manque et à la rechute en contexte de dépendance.

Source : "Variation within the serotonin (5-HT) 5-HT2C receptor system aligns with vulnerability to cocaine cue reactivity", Translational Psychiatry (2014) 4, e369, 11 Mars 2014
Auteurs : N C Anastasio, S Liu, L Maili, E Swinford, S D Lane, R G Fox1, S C Hamon, D A Nielsen, K A Cunningham and F G Moeller
DOI :10.1038/tp.2013.131

 

Ocytocine et addictions

L'ocytocine est un peptide synthétisé par l'hypothalamus. Sa libération en tant qu'hormone dans le sang contrôle de nombreuses fonctions. Des différences interindividuelles existent en termes de sécrétion d’ocytocine, différences qui peuvent être liées à des facteurs individuels ou environnementaux. Or des études récentes suggèrent que l’ocytocine pourrait impacter de façon indirecte la neurobiologie des addictions, notamment la réponse à la drogue ou à l’alcool. Une revue de l’état de la science parue dans Pharmacology Biochemistry and Behavior conduit les auteurs à présenter l’hypothèse selon laquelle être confronté à l’adversité dès les premiers stades du développement affecterait durablement la synthèse de l’ocytocine et exposerait l’individu à un sur-risque de développer une addiction, lorsque de nouvelles sources de stress majeur ou une consommation de SPA surviendraient ultérieurement.

Source : "Individual differences underlying susceptibility to addiction: Role for the endogenous oxytocin system", Pharmacology Biochemistry and Behavior, Volume 119, avril 2014, p.22–38 (article intégral)
Auteurs : Femke T.A. Buisman-Pijlmana, Nicole M. Sumrackia, Jake J. Gordona, E-mail the corresponding author, Philip R. Hulla, C. Sue Carterb, Mattie Topsc


Voir aussi :
* Pharmacology Biochemistry and Behavior consacre un volume aux liens entre ocytocine et addictologie
The role of oxytocin in positive affect and drug-related reward, Volume 119, Pages 1-88 (April 2014)
Publié par Femke T.A. Buisman-Pijlman, Jillian H. Broadbear and Zoltán Sarnyai
* The International Journal of Alcohol and Drug Research consacre un volume à l’exposition fœtale à l’alcool. Données épidémiologiques, tendances de consommations et analyse de programmes de prévention y constituent certains des thèmes abordés.
 

PHARMACOLOGIE

Pharmacodynamie de la kétamine

Une revue systématique de la littérature évoque la pharmacodynamie de la kétamine et  plusieurs éléments suggérant son efficacité antidépressive. Anesthésiant et délirogène, la kétamine est de plus en plus étudiée  pour son action thérapeutique antidépressive à action rapide. Elle agit comme antagoniste des récepteurs au glutamate spécifiquement activés par l'agoniste pharmacologique N-méthyl-D-aspartate (NMDA) notamment et entraîne des changements intracellulaires dans l’expression des protéines, y compris la protéine TOR (target of rapamycin) ayant pour rôle de surveiller la disponibilité de nutriments et les facteurs neurotrophes (brain-derived neurotrophic factor- BDNF) qui contrôlent le développement du système nerveux et sont essentiels au maintien des fonctions cérébrales nerveuses ainsi qu’aux phénomènes de plasticité adaptative. Des études cliniques auprès d’un échantillon restreint ont pu démontrer des effets significatifs sur l’humeur et la propension au suicide. Sa pertinence comme anesthésiant chirurgical chez les patients dépressifs et son impact positif sur la réponse aux thérapies électro-convulsives ont également fait l’objet de plusieurs travaux qui, quoique là encore insuffisamment nombreux, sont encourageants.

Source : "Ketamine as the prototype glutamatergic antidepressant: pharmacodynamics actions, and a systematic review and meta-analysis of efficacy", Therapeutic advances in psycopharmacology, avril 2014 vol. 4 n° 2 75-99
Auteurs : Caroline Caddy, Giovanni Giaroli, Thomas P. White, Sukhwinder S. Shergill, Derek Kenneth Tracy

 

La méphédrone n’a pas les mêmes propriétés pharmacocinétiques que l’ecstasy

Une étude parue dans le British Journal of Pharmacology attire l’attention sur la pharmacocinétique de la 4-méthylméthcathinone ou méphédrone, dérivé de la cathinone,  psychostimulant actif qui bien que banni de Grande Bretagne en 2010 continue d’être consommé sur un mode récréatif en Grande Bretagne et partout ailleurs. Bien que les usagers considèrent les effets psychoactifs de la méphédrone comme similaires à ceux de la MDMA,  leurs profils pharmacodynamiques et leurs effets diffèrent. A la différence de la MDMA, la méphédrone exerce une pénétration élevée dans le cerveau, avec un métabolisme et une clairance cérébrale rapides. Par ailleurs elle génère une libération plus importante de dopamine et agit tel un mixte de cocaïne-MDMA. De plus, leurs effets thermorégulateurs respectifs ne sont pas les mêmes : la méphédrone ne semble pas générer d’hyperthermie en dehors d’un usage combiné avec de la caféine.
 
Source : "The preclinical pharmacology of mephedrone; not just MDMA by another name", British Journal of Pharmacology
Auteurs : A R Green, M V King, S E Shortall andK C F Fone
DOI: 10.1111/bph.12628

 


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