POLITIQUE DES DROGUES
Les Etats-Unis se mobilisent pour le cannabis médical
La Floride fait un pas vers la légalisation du cannabis thérapeutique pour certaines pathologies invalidantes à travers l’approbation, par la cour suprême de Floride, des conditions d’un futur amendement à la constitution. Il faudra encore que les défenseurs de cet amendement trouvent suffisamment de signataires pour qu’il soit examiné au scrutin de 2016. L’amendement prévoit une évaluation de son impact financier par des économistes.
Dans le même temps, le Minnesota va étendre les possibilités de prescription de cannabis médical aux patients souffrant de douleurs « rebelles » (intractable pain). Ces patients pourront ainsi en bénéficier à partir d’août 2016. Pour l’instant, 760 patients touchés par des troubles très sévères et/ou en fin de vie ont obtenu une approbation pour l’usage de cannabis thérapeutique sur les 5000 patients que vise le programme de cannabis médicalisé mis en place en juillet dernier.
Sources :
* "Florida supreme court approves language of medical marijuana proposal", Reuters, 17 décembre 2015
* "Minnesota to add pain patients to medical marijuana program", Reuters, 2 décembre 2015
Libéralisation du cannabis aux Etats-Unis, quel impact sur la consommation d’alcool ?
Les politiques publiques à l’égard du cannabis exercent-elles un impact sur les consommations à risque et les conséquences de l’alcool ? Une revue critique de la littérature se prononce sur la complexité à établir une corrélation, en l’absence d’études randomisées et compte tenu de l’hétérogénéité des législations (nature des textes, temporalités, modalités d’implémentation…) et des variations observées selon les classes d’âge des usagers. L’impact de la libéralisation du cannabis récréatif et/ou thérapeutique ne serait pas univoque. L’accès au cannabis apparaissant comme un substitutif ou au contraire comme complémentaire (complementary effects) de la consommation d’alcool avec dans un cas une baisse des consommations, dans l’autre, une augmentation des consommations. Quelques données suggèrent dans le Colorado ou à Washington qui ont légalisé l’usage récréatif de cannabis (LURC), une préférence des jeunes adultes pour le cannabis, qui reste à confirmer sur des échantillons plus importants tandis qu’aucun changement significatif n’a été enregistré en termes de taux de criminalité ou accidents de la route liés à l’alcool dans ces deux Etats. Quelques indices d’une association entre libéralisation du cannabis médical (LCM) et baisse des accidents de la route liés à l’alcool chez les jeunes adultes ont pu être relevés, avec des volumes totaux d’alcool consommés moins importants, tandis qu’on a pu observer également une baisse des consommations chez les jeunes. D’autres études en revanche ont observé un lien entre LCM et augmentation des consommations d’alcool à risque chez les adultes, en particulier si la législation est peu restrictive.
Source : Katarina Guttmannova, Christine M. Lee, Jason R. Kilmer, Charles B. Fleming, Isaac C. Rhew, Rick Kosterman and Mary E. Larimer, "Impacts of changing marijuana policies on alcohol use in the United States", Alcoholism: Clinical & experimental research, 21 décembre 2015 ; doi: 10.1111/acer.12942
De la prohibition au crime climatique
Kendra McSweeney, professeur au département de géographie de l’Université d’Etat de l’Ohio fait état du désastre écologique perpétré par la guerre contre la drogue dans le monde. Des paysages dévastés, des populations natives dépossédées de leur terre : traquer les trafiquants n’a fait que déplacer leurs activités vers les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Convaincue de la stérilité de la guerre contre la drogue et de l’intérêt de penser la politique des drogues à l’aune des perspectives environnementales internationales, elle plaide pour un sursaut de lucidité des pouvoirs publiques et des réformes pour une meilleure utilisation des fonds dédiés à la lutte contre les drogues, portée par une dynamique de reconstruction, pour réhabiliter les forêts endommagée, doter à nouveau les populations spoliées de terres et de ressources…
Source : "The war on drugs is destroying the environment", US NEWS, 9 décembre
VU D'AILLEURS
Destins syriens
L’agence de presse Reuters évoque le destin de certains réfugiés syriens ayant fui la guerre. Dans un village au Liban, une femme raconte son quotidien dans une exploitation de cannabis, la « liberté » qu’elle y a retrouvée et son souhait que sa famille puisse la rejoindre. Illégale au Liban, l’exploitation de cannabis est une activité très lucrative pour les propriétaires terriens. Le lien entre la vallée de Bekaa et la province syrienne de Raqqa n’est pas récent : depuis plusieurs années, la vallée de Bekaa embauche des ouvriers agricoles de Raqqa pour prêter mains fortes durant les moissons. Ce qui a changé, c’est le souffle de racisme et la méfiance dont se sentent victimes les réfugiés syriens, qu’ils assimilent à l’essor de l’Etat islamique, auquel ils se voient associés.
(Photo : Francesco Fantini)
Source : "Syrian refugees farm cannabis in Lebanon", Agence Reuters, 22 décembre
PREVENTION DES RISQUES
Neutraliser l’attrait de l’alcool
Puisque les dommages associés au tabac ou à l’alcool sont tout aussi prégnants pour la santé publique, pourquoi ne pas s’inspirer des outils de prévention du tabagisme comme le paquet neutre ou les avertissements sanitaires (textes et images) pour les campagnes de sensibilisation aux risques liés à l’alcool ? Une enquête menée au Canada a mesuré les effets, sur un échantillon d’individus (n=92), d’une « bouteille neutre » (plain bottle) et/ou de la présence d’avertissements sanitaires placés sur une bouteille standard, sur la perception du produit et la décision d’achat. Est-ce que le produit leur donne envie ? Est-ce qu’ils l’achèteraient ? Sans surprise, les produits auxquels avaient été appliqués avertissements sanitaires et neutralité étaient perçus moins positivement, avec une évidence statistique plus nette pour les « bouteilles neutres » et des indices suggérant une meilleure reconnaissance des risques associés à la consommation d’alcool à travers cette labellisation. A rebours d’autres études, cette expérience suggère que les campagnes de prévention des risques liés à l’alcool gagneraient à appliquer les leçons des campagnes de prévention du tabagisme.
Source : Al-Hamdani M, Smith S., "Alcohol warning label perceptions: Emerging evidence for alcohol policy.", Canadian journal of public health, octobre 2015 ; doi: 10.17269/cjph.106.5116.
EPIDEMIOLOGIE
Tabagisme et santé reproductive de la femme
A partir d’une enquête observationnelle de vaste ampleur sur la santé des femmes, the Women’s health initiative observational study, une nouvelle étude américaine met en évidence les risques associés à la consommation active de tabac et à l’exposition au tabac sur la fertilité féminine. Une plus grande difficulté à concevoir un enfant et une survenue plus précoce de la ménopause estimée à 21,6 mois ont été observées chez les femmes ayant commencé à fumer à l’âge de 15 ans, le risque allant croissant en fonction du nombre de cigarettes consommées. Quant au tabagisme passif, une association a été constatée avec le risque d’infertilité chez les femmes fortement exposées à l’enfance et à l’âge adulte. Elles attiendraient en moyenne l’âge de la ménopause 13,2 mois plus tôt que les femmes non exposées.
Source : Andrew Hyland, Kenneth Piazza, Kathleen M Hovey, Hilary A Tindle, JoAnn E Manson, Catherine Messina, Cheryl Rivard, Danielle Smith, Jean Wactawski-Wende, "Associations between lifetime tobacco exposure with infertility and age at natural menopause: the Women's health initiative observational study", Tobacco Control doi:10.1136/tobaccocontrol-2015-052510
Prévalence et comorbidités du trouble de l’usage de substances aux Etats-Unis
Parue dans la revue Jama Psychiatry, une étude épidémiologique s’est intéressée aux données de prévalences actuelles et aux profils socio-économiques et cliniques des individus porteurs d’un trouble de l’usage de drogues aux Etats-Unis, selon la classification du DSM-5. Les données analysées ont été extraites d’une enquête épidémiologique transversale représentative (NESARC III) réalisée entre 2012 et 2013 par questionnaires auprès de 36 309 adultes. Des taux de prévalence élevés (prévalence dans l’année : 4 % et prévalence vie-entière : 10 %) et un nombre important de comorbidités associées (dépression, dysthymie, TB 1), stress post-traumatique, troubles de la personnalité (antisociale, borderline et trouble schizotypique) avec une prise en charge très en-deçà du nombre de personnes concerné caractérisent cet état des lieux. Ce trouble de l’usage de drogues toucherait davantage les hommes, nés aux Etats-Unis, caucasiens, jeunes, non mariés ou séparés, moins diplômés, à capital économique faible et habitant l’ouest des Etats-Unis.
Source : Grant BF, Saha TD, Ruan WJ, Goldstein RB, Chou SP, Jung J, Zhang H, Smith SM, Pickering RP, Huang B, Hasin DS., "Epidemiology of DSM-5 drug use disorder: Results from the National epidemiologic survey on alcohol and related conditions-III.", JAMA Psychiatry. 1er janvier 2016 ; doi: 10.1001/jamapsychiatry.2015.2132.
Tabagisme et troubles psychotiques
La prévalence du tabagisme chez les individus atteints de troubles psychotiques est connue et bien documentée. Toutefois, les causes de cette prévalence importante comparée aux données en population générale n’ont pas été démêlées de façon univoque. Le tabagisme constitue-t-il un facteur de risque de psychose ? Le tabagisme précoce constitue-t-il à cet égard un facteur de sur-risque ? Quelle est la prévalence du tabagisme chez les individus présentant leur premier épisode psychotique ?
Pour apporter de nouveaux éléments de réponse, le Lancet Psychiatry a réalisé une méta-analyse des données issues de 62 études menées à travers le monde incluant au total 14 555 individus fumeurs et 273 162 individus non-fumeurs. La prévalence du tabagisme des individus présentant leur premier épisode psychotique y est estimée à 0.57 (95 % IC 0.52-0.62). Par ailleurs, d’après les études de cohorte inclues dans l’analyse, le risque relatif d’un nouvel épisode psychotique chez les individus fumeurs comparés aux non-fumeurs était de 2.18 (95 % IC 1.23-3.85). D’autre part, les individus fumeurs tendaient à développer des troubles psychotiques plus tôt que les non-fumeurs (moyenne pondérée : - 1,04 ans). Enfin, l’initiation au tabagisme n’était pas significativement plus précoce chez les individus atteints de troubles psychotiques que chez les individus sains (contrôle). Ainsi, sans s’avancer sur un lien causal existant entre tabagisme et troubles psychotiques, cette méta-analyse suggère que le tabagisme quotidien constitue à la fois un sur-risque accru d’épisodes psychotiques et de survenue des troubles psychotiques à un âge plus précoce.
Source : Pedro Gurillo, Sameer Jauhar, Robin M Murray, James H MacCabe, "Does tobacco use cause psychosis? Systematic review and meta-analysis", Lancet Psychiatry
PSYCHOPHARMACOLOGIE
Un traitement inédit de la cocaïno-dépendance
La revue technologique du MIT donne écho à une étude contrôlée menée auprès d’usagers de cocaïne. 32 individus dépendants à la cocaïne ont été inclus dans le protocole. 16 d’entre eux ont été soumis à un traitement par stimulations magnétiques transcraniennes durant la phase 1 de 29 jours tandis que 16 autres individus contrôle recevaient un traitement pharmacologique. A l’issue de cette 1ère phase, une 2ème phase de 63 jours proposait une simulation transcranienne pour l’ensemble des participants. Un suivi post-traitement par questionnaire et analyse d’urine a permis d’observer ses effets sur la prise de cocaïne et l’intensité du manque (craving). Précédée par des travaux prometteurs chez le rat, cette étude pilote sur l’homme présente des résultats très encourageants sur ces deux variables, qui demanderont à être répliqués dans des études sur un échantillon plus large d’usagers.
Sources :
* "For cocaine addicts, treatment with magnets may stop craving", MIT technology review
* Pour consulter l’étude : Terraneo A, Leggio L, Saladini M, Ermani M, Bonci A, Gallimberti L., "Transcranial magnetic stimulation of dorsolateral prefrontal cortex reduces cocaine use: A pilot study.", European Neuropsychopharmacology, novembre 2015 ; doi: 10.1016/j.euroneuro.2015.11.011.
INCLASSABLES ;)
Can(n)ada(bis)
Lu (et vu) dans les Inrockuptibles n° 1046-1048, dans « 40 raisons d’aimer quand même 2015 »…
« 33. En plus d’être beau, drôle, cool et intelligent, le nouveau Premier ministre canadien s’apprête à légaliser le cannabis. Et si on migrait ? » (…)
|