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20 mai 2015

VU D'AILLEURS

Politique répressive et mauvaise science

Le président indonésien a justifié l’exécution de 14 trafiquants durant l’année écoulée par les 14000 décès associés au trafic de drogues recensés par l’agence indonésienne de lutte contre le trafic de narcotiques (BNN). Interloqués par ce chiffre, 5 experts internationaux ont émis des doutes sur la rigueur méthodologique utilisée pour y parvenir. C’est en interrogeant 2100 usagers de drogues (UD) sur le nombre de décès de leurs amis UD dans des circonstances liées au trafic de drogues et en extrapolant les résultats de cette enquête, que les conclusions du BNN auraient été construites. On est loin en effet de l’étude de cohorte…

Source : Charlotte Greenfield, "Experts question data behind Indonesian president's war on drugs", Reuters, 8 mai 2015
 

Un retour en grâce du LSD en Norvège ?

Le New York Times donne écho à un projet de réhabilitation du LSD en Norvège. Une idée inattendue voire insolite, ironise le magazine, dans un pays très prudent quant au risque d’abus de substance, au point qu’il réglemente la prescription d’aspirine. Une idée audacieuse aussi puisque son instigateur et le groupe qu’il a fondé, EmmaSofia, entendent non seulement réactiver les discussions sur la prohibition des drogues mais aussi assurer une production contrôlée de psilocybine. Pour l’instant le projet semble susciter un regain d’intérêt au sein de la communauté médicale. Le directeur de la Norwegian Medicines Agency est allé jusqu’à le qualifier de « projet intéressant » précisant qu’il s’agira cependant d’un long combat à l’issue incertaine.

Source : Andrew Higginsmay, "Odd push in drug-averse Norway: LSD is O.K.", New York Times, 4 mai  2015
 

PREVENTION DES RISQUES

« Ice storm »

L’usage de méthamphétamine sous forme de cristaux (crystal meth) est en augmentation à Londres, nécessitant l’élaboration d’une approche coordonnée des acteurs du soin et de la prévention. L’abord de ces usagers n’a rien d’évident : le crystal meth peut induire notamment agressivité, dépression sévère et paranoïa. Les centres d’accompagnement des usagers de drogues n’y sont pas toujours préparés ni en mesure d’apporter les réponses spécifiques. Face à ce constat, des coalitions informelles se créent entre professionnels de l’addiction et des maladies mentales pour faire émerger des propositions qui permettent de gérer au mieux cet afflux d’usagers en demande d’aide.

Source : Jennifer O'Brien, "Explosive growth of crystal meth use in London causes havoc", The London Free Press, 12 mai 2015
 

EPIDEMIOLOGIE

Héroïne et VHC chez les jeunes injecteurs

Une étude originale publiée dans le British Medical Journal s’est intéressée à une cohorte de 513 usagers d’héroïne par voie injectable (UDVI), récemment entrés dans l’injection et recrutés dans trois villes espagnoles ayant mis en place des programmes de réduction des risques (PRR) équitables et extensifs selon les critères de l’OMS.  Pour pouvoir évaluer l’incidence et les facteurs prédictifs du virus de l’hépatite C au sein de cette population à risque, les UDVI ont été suivis pendant 3 ans. Parmi les principaux résultats de l’étude qui suggèrent notamment une PRR encore insuffisante : une prévalence de sérologie positive pour le VHC de l’ordre de 73 %, soit une prévalence proche des taux les plus importants enregistrés au monde et une méconnaissance à l’égard de son statut sérologique VHC pour 36 % d’entre eux. L’étude a pu identifier un sur-risque de séroconversion chez les UDVI s’injectant au moins une fois par semaine, ayant connu au moins 2 partenaires sur une période de 12 mois et pratiquant l’injection depuis moins de deux ans.

Source : Fernando Vallejo, Gregorio Barrio, M Teresa Brugal, Jose Pulido, Carlos Toro, Luis Sordo, Albert Espelt, María J Bravo, the Itinere Project Group, Antonia Domingo-Salvany, Gemma Molist, Sara Santos, Luis de la Fuente, Yolanda Castellano, Fermín Fernández, Mónica Ruíz, and Mireia Ambros, "High hepatitis C virus prevalence and incidence in a community cohort of young heroin injectors in a context of extensive harm reduction programmes", Journal of Epidemiology and Community Health, 13 avril 2015, 10.1136/jech-2014-205070

Augmentation des incidents associés à l’usage d’héroïne en Californie

En 10 ans, les hospitalisations d’urgence pour intoxications associées à l’usage d’héroïne ont augmenté de façon très significative en Californie, touchant davantage les jeunes populations. En 2014, 1300 jeunes adultes entre 20 et 29 ans étaient reçus en urgence, soit 6 fois plus qu’en 2005. Les 30-39 ans étaient quant à eux 2 fois plus nombreux, avec 600 hospitalisations en 2014 contre 300 en 2005. Enfin, 367 adolescents étaient traités en 2014 contre 250 en 2005.

Source : Sharon Bernstein, "Heroin sends more young adults to California emergency rooms", Reuters, 8 mai 2015
 

Les conséquences sanitaires des comportements addictifs dans le monde

Un nouveau rapport sur les conséquences sanitaires des comportements addictifs a colligé données statistiques et épidémiologiques récentes pour dresser un état des lieux global de la prévalence et des effets sur la santé des populations des comportements addictifs, au niveau mondial. Ainsi, d’après ce rapport, 4,9 % de la population globale souffre d’un trouble de l’usage d’alcool, soit 210 millions d’individus, 1 milliard d’individus consomment du tabac, celui-ci étant estimé être à l’origine de 11 % des décès chez les hommes et 6% des décès chez les femmes. Par ailleurs, le rapport estime à près de 15 millions le nombre  d’individus consommant de la drogue par voie injectable. Autre donnée importante : l’usage illicite de substances psychoactives présenterait un taux ajusté d'années potentielles de vie perdues de l’ordre de 83 années pour 100 000 habitants contre 257 années pour 100 000 habitants pour l’alcool.

Source : Linda R. Gowing, Robert L. Ali, Steve Allsop, John Marsden, Elizabeth E. Turf, Robert West, John Witton, "Global statistics on addictive behaviours: 2014 status report", Addiction 11 mai 2015 ; DOI: 10.1111/add.12899
 

RECHERCHE FONDAMENTALE

Nouveaux dérivés de la cathinone et toxicovigilance

L’interdiction d’une drogue de synthèse est fréquemment suivie de l’apparition d’une nouvelle substance non moins préoccupante. Après la suspension définitive aux Etats-Unis en 2012 de la methylenedioxypyrovalerone (MDPV ou sels de bain), l’alpha-PVP ou flakka a fait son apparition sur le marché des drogues à usage récréatif. Ces dérivés de la cathinone agissent tous deux comme inhibiteurs de recapture des monoamines. Les risques associés à leur usage sont-ils pour autant équivalents ? Une analyse comparative réalisée sur des rats à partir d’un modèle d’auto-administration et de sensibilisation du comportement locomoteur s’est penchée sur cette hypothèse et a mis en évidence, outre leur structure chimique proche, une efficacité et une puissance similaires de l’alpha-PVP et de la MDPV.

Source : Shawn M. Aarde 1 & Kevin M. Creehan1 & Sophia A. Vandewater1 & Tobin J. Dickerson2 & Michael A. Taffe1, "In vivo potency and efficacy of the novel cathinone α-pyrrolidinopentiophenone and 3,4-methylenedioxypyrovalerone: self-administration and locomotor stimulation in male rats.", Psychopharmacology, 16 avril 2015
DOI 10.1007/s00213-015-3944-8

 

RECHERCHE TRANSLATIONNELLE

Anxiété et dépression en contexte de consommation d’héroïne

Pour la première fois, une étude de cartographie de la substance blanche met en évidence les mécanismes différentiels qui sous-tendent le niveau élevé d’anxiété et de dépression, deux comorbidités observables chez les usagers d’héroïne. Ainsi, si l’anxiété s’y voit reliée à une altération du faisceau unciné, principal faisceau d’association fronto-temporale qui assure une connexion entre les structures limbiques et para-limbiques impliquées dans la régulation des émotions, la sévérité des symptômes dépressifs serait quant à elle dose-dépendante, associée à un seuil critique de consommation.

Source : N M L Wong, S-H Cheung, C C H Chan5, H Zeng, Y-P Liu, K-F So, T M C Lee, "Diffusivity of the uncinate fasciculus in heroin users relates to their levels of anxiety", Translational Psychiatry (2015) 5, e554; doi:10.1038/tp.2015.48 ; 28 avril 2015
 

E-CIGARETTE

Conférence de consensus sur l’e-cigarette contenant de la nicotine

Une conférence de consensus établie selon la méthode Delphi a pu rassembler les avis de 40 experts suisses autour d’une régulation éventuelle des cigarettes électroniques contenant de la nicotine, dispositifs dont la vente n’est pas autorisée en Suisse. Parmi les recommandations formulées faisant consensus : la mise à disposition d’e-cigarettes contenant de la nicotine sous des conditions spécifiques, la vente réservée aux adultes, un contrôle des produits selon des standards de qualité, un seuil de concentration en nicotine et une liste autorisée d’ingrédients. Par ailleurs, la publicité autour de ces produits devrait être limitée et leur usage interdit dans les lieux publics.

Source : Jeremie Blaser, Jacques Cornuz, "Experts' consensus on use of electronic cigarettes: a Delphi survey from Switzerland", BMJ Open. 2015 Apr 15;5(4):e007197. doi: 10.1136/bmjopen-2014-007197.
 


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