POLITIQUE DES DROGUES
"Support. Don’t punish."
Neuroscientifique et activiste, Carl Hart plaide pour que soit réévaluée la proportion des usages problématiques de drogues estimant qu’ils sont bien plus rares que ce que l’on imagine à travers notamment la stigmatisation abusive de certaines populations à risque. Les politiques répressives qui trouvent leur origine dans cette sur-stigmatisation sont inadaptées et contre-productives s’attachant aux symptômes de la détresse sociale et non à sa source. Ces politiques étriquées ferment les yeux sur les motivations des usagers de drogues et leur environnement physique et psychique pourtant riches d’enseignement. Cesser de diaboliser les usages et les usagers, s’inspirer des politiques des drogues visionnaires menées au Portugal ou en République tchèque, assurer un suivi psychiatrique et/ou social des usagers, voilà la feuille de route proposée par ce spécialiste américain de l’abus de substances. (Illustration Nemo)
Source : "Drugs aren't the problem, says addictions expert Dr. Carl Hart", CBC News, 5 juin
PREVENTION DES RISQUES
Thiases bachiques
Les cultures festives des fraternités et sororités étudiantes (ex. des « Greek parties »), le nombre de convives, la durée des soirées, l’espace festif (« Greek house », hors campus, au sein du campus…), la présence de cuves d’alcool, le respect de l’âge légal de consommation d’alcool plus observé hors les murs, le degré d’alcoolisation perçu/perceptible des participants et son influence sur les pairs constituent autant de variables susceptibles d’éclairer les parcours d’alcoolisation et les risques d’intoxication alcoolique observés chez les étudiants américains fréquentant les universités. C’est ce que suggère une nouvelle étude transversale qui a voulu explorer les différents modes de consommation d’alcool observables lors de soirées d’étudiants issus de 14 universités américaines pour identifier facteurs de protection et facteurs aggravants.
Source : Miesha Marzell, Niloofar Bavarian, Mallie J. Paschall, Christina Mair, Robert F. Saltz, "Party Characteristics, Drinking Settings, and College Students’ Risk of Intoxication: A Multi-Campus Study", The Journal of primary prevention, 15 mai 2015
Ça ne compte pas, c’était mon anniversaire…
Largement sous-estimés, les volumes d’alcool consommés lors d’occasions « spéciales » comme un mariage, un festival, un événement sportif… représenteraient à eux seuls en Angleterre « un extra » équivalent à 12 millions de bouteilles de vin par semaine, en sus des volumes d’alcool consommés (hors événements exceptionnels). Ce sont les résultats d’une étude réalisée par téléphone entre mai 2013 et avril 2014 auprès de 6 085 individus hommes et femmes de plus de 16 ans, interrogés notamment sur les volumes d’alcool consommés les jours où ils estimaient boire plus qu’à l’ordinaire. Si l’on tient compte de ces occasions spéciales, les 25–34 ans apparaissent comme les plus grands consommateurs d’alcool / semaine avec des surconsommations d’alcool dans ces circonstances spéciales (+ 18 unités d’alcool/semaine) associées à un sur-risque de dommages. Enfin ces surconsommations atypiques d’alcool touchent également les individus buvant très peu en temps normal et les exposent à un sur-risque d’accident tout aussi prégnant.
Source ; Mark A Bellis, Karen Hughes, Lisa Jones, Michela Morleo, James Nicholls, Ellie McCoy, Jane Webster, Harry Sumnall, "Holidays, celebrations, and commiserations: measuring drinking during feasting and fasting to improve national and individual estimates of alcohol consumption", BMC Medicine, 22 mai 2015
EPIDEMIOLOGIE
Tabagisme précoce et troubles psychotiques
Le tabagisme précoce serait associé à un sur-risque de développer des manifestions psychotiques. C’est ce que suggère une étude réalisée auprès d’une cohorte de 3 752 individus, hommes et femmes âgés de 21 ans au moment de l’étude. Les individus ayant commencé à fumer du tabac à 15 ans ou plus jeune encore étaient en effet 3,1 fois plus à risque présenter un trouble de type schizophrénique (aOR = 3.1, 95 % IC = [1,8 ; 5,6]) des scores importants au Peters Delusional Inventory (aOR = 2.4 ; 95 % IC = [1,9 ; 3]) et des hallucinations persistantes (aOR = 3.0 ,95 % IC = [2,2 ; 4,2]). Cependant, après ajustement des données et exclusion des individus ayant consommé du cannabis, seule l’association entre tabagisme précoce et hallucinations demeurait très significative.
Source : John J McGrath Rosa Alati, Alexandra Clavarino, Gail M Williams, William Bor, Jake M Najman, Melissa Connell, James G Scott, "Age at first tobacco use and risk of subsequent psychosis-related outcomes: A birth cohort study", Australian and New Zealand journal of psychiatry
RECHERCHE FONDAMENTALE
"Heaven’s gate"
Les canaux potassium à rectification entrante (KIR) interviennent comme régulateurs de l’excitabilité neuronale et peuvent être activés par l’éthanol. On en sait peu en revanche sur l’incidence de KIR sur les effets cellulaires et comportementaux associés à la consommation d’éthanol. Dans ce contexte, une étude réalisée sur des souris mutées met en évidence le rôle critique de la sous-unité KIR3 dans l’activation par l’éthanol de la voie dopaminergique du système mésolimbique, KIR3 apparaissant tel un garde-fou capable de suspendre, de façon sélective, l’effet de renforcement positif de l’éthanol. En effet, son ablation entraînerait chez la souris mutée une surconsommation d’éthanol faute d’atteindre l’excitabilité neuronale, quant à sa surexpression dans le mésencéphale (increasing expression), elle conduirait par contraste à une diminution de l’auto-administration compulsive d’éthanol (binge-like drinking).
Source : Melissa A. Hermana, Harpreet Sidhua, David G. Stouffera, Max Kreifeldta, David Lea, Chelsea Cates-Gattob, Michaelanne B. Munozc, Amanda J. Robertsb, Loren H. Parsonsa, Marisa Robertoa, Kevin Wickmand, Paul A. Slesingerc, Candice Conteta, "GIRK3 gates activation of the mesolimbic dopaminergic pathway by ethanol", PNAS, 2 juin 2015
PHARMACOLOGIE
Pharmacocinétique de l’interaction cannabis-alcool
L’association cannabis-alcool tend à potentialiser le pouvoir des cannabinoïdes avec des taux de THC plus élevés que lors d’une consommation de cannabis seul, y compris lorsque le cannabis est inhalé par l’intermédiaire d’un vaporisateur. Ces valeurs plus élevées pourraient par ailleurs expliquer l’altération des performances des individus observée lors de ces polyconsommations et devraient à ce titre constituer un terrain d’investigation privilégié dans le cadre de la réglementation des conduites sous influence de substances. Ce sont les conclusions d’une étude contrôlée ayant mesuré la concentration de THC dans le sang et le plasma de 19 individus ayant inhalé du cannabis à faible dose/forte dose et consommé dans le même temps de l’alcool à faible dose VS placébo.
Source : Rebecca L. Hartman, Timothy L. Brown, Gary Milavetz, Andrew Spurgin, David A. Gorelick, Gary Gaffney, Marilyn A. Huestis, "Controlled cannabis vaporizer administration: blood and plasma cannabinoids with and without alcohol", Clinical Chemistry 61:6 850–869 (2015, 27 mai 2015
TOXICOVIGILANCE
Cannabinoïdes de synthèse et intoxications aux USA
Dans le cadre d’un rapport hebdomadaire, le Centre for disease control and prevention (CDC) constate une augmentation importante des cas d’intoxication consécutifs à la consommation de cannabinoïdes de synthèse (CS). Le centre américain aurait ainsi enregistré 1 501 appels pour intoxication avérée ou présomption d’intoxication contre 349 appels en janvier 2015. Par ailleurs, entre janvier 2015 et mai 2015, 3 572 appels liés à la consommation de CS auraient été enregistrés contre 1 085 en 2014 sur la même période, soit une augmentation de 229 %. Parmi les effets indésirables les plus fréquents : états d’agitation, palpitations cardiaques, apathie, vomissements et confusion. Sur les 2 961 appels associés à une urgence médicale, 335 cas graves engageant le pronostic vital ou entrainant des séquelles importantes ont été enregistrés, contre 1 407 cas d’urgence modérée requérant toutefois un traitement et 1095 cas d’effets secondaires mineurs. Enfin le taux de décès s’élevait à 0,5 % sur la période de janvier à mai 2015, soit 15 décès liés à l’usage de CS.
Source : CDC, "Notes from the field: Increase in reported adverse health effects related to synthetic cannabinoid use - United States", Weekly, January-May 2015, June 12, 2015 / 64(22);618-619
ALCOOL ET SOCIETE
Peer to peer
BBC News s’attarde sur les Alcooliques anonymes (AA), association fondée il y a aujourd’hui 80 ans et qui n’a cessé depuis de créer des émules dans le monde. Fustigés pourtant depuis leur création pour leur tonalité trop religieuse, leur sacre de l’abstinence, leur assimilation de tout comportement excessif à une addiction (comportement alimentaire, sexualité…) quand bien même la communauté scientifique s’y refuse faute d’éléments probants, les AA perdurent et se renforcent. En témoignent les quelques 115 326 groupes AA dans le monde dont 60 143 aux Etats-Unis. Comment comprendre un tel engouement d’autant plus que l’efficacité de ces groupes de parole n’a pas été démontrée scientifiquement ? Outre les 12 étapes du programme AA, et le cheminement social, spirituel et psychologique qu’il entend offrir, la théorie des "aidants" semble liée à l’origine de ce succès, une prise en charge par les pairs où l’on est à la fois aidé et aidant et valorisé comme tel.
Source : "The many groups that have copied Alcoholic Anonymous", BBC, 9 juin 2015
INSOLITE
Le poppers fait son come-back…chez les buralistes
Si, si…c’est Technikart qui le dit… "Poppers" est le nom générique des préparations à base de dérivés nitrés aliphatiques volatils, dissous dans des solvants chimiques. Ces derniers possèdent des propriétés psychotropes utilisées à des fins récréatives notamment dans le milieu techno et le milieu gay. Interdit à la vente puis autorisé à nouveau depuis 2013, du poppers a été repéré çà et là dans les bars-tabacs, un circuit de distribution grand-public plutôt inattendu.
Source : "Du Poppers avec vos Malboro, monsieur ?", Technikart, 15 mars 2015
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