VU D'AILLEURS
Le Mexique : nouvelle terre promise pour les weed-entrepreneurs ?
La légalisation de l’usage thérapeutique et récréatif du cannabis au Mexique ouvrirait un marché estimé à 1,7 milliards de dollars. De quoi stimuler les investisseurs. Une décision de la Cour suprême autorisant la culture et la consommation de cannabis à 4 plaignants n’est, à cet égard, pas passée inaperçue. Le Mexique a cependant un lourd passif. En dix ans, plus de 100 000 personnes y ont trouvé la mort. Et ces nombreuses disparitions et violences imputables à la guerre contre la drogue, n’encouragent pas les investisseurs à se dévoiler au grand jour. Faire de la concurrence aux cartels n’est pas non plus du goût de tous. De quoi augmenter la part de gâteau des plus téméraires…
Source : "Medical marijuana growers look to Mexico for business opportunities", The Guardian, 20 janvier 2016
PREVENTION DES RISQUES
Un rapport européen favorable au développement des interventions brèves dans les services d’urgence
La prévalence des consommations à risque chez les individus admis aux urgences en fait un lieu propice pour des interventions brèves (IB) ne nécessitant qu’une formation courte tout en générant des effets importants et rapides sur les patients qui en bénéficient. Basé sur l’examen critique de 5 revues systématiques de la littérature et 16 essais randomisés contrôlés, le rapport de l’European monitoring centre for drugs and drug addiction suggère l’intérêt de cette approche en termes de coût-efficacité. Elle permet l’orientation vers les soins d’usagers qui n’auraient bénéficié ni d’une évaluation des risques associés à leurs consommation, ni d’une entrée dans le parcours de soin. Le rapport souligne toutefois que l’efficacité des IB est en partie conditionnée par les capacités des professionnels de santé à intégrer l’approche motivationnelle et par le type de population visée (classe d’âge, niveaux de consommations, produits consommés.) Enfin, prudent dans ces conclusions du fait de l’hétérogénéité des données examinées, il considère cependant que les urgences constituent incontestablement une « fenêtre d’opportunité » pour intervenir auprès des usagers de drogues et soutient, dans cette perspective, le développement de la formation aux IB des professionnels intervenant dans les services d’urgence.
Source : "Emergency department-based brief interventions for individuals with substance-related problems: a review of effectiveness", EMCDDA, janvier 2016
ADOLESCENCE ET ADDICTION
Cannabis et performances cognitives à l’adolescence
Une nouvelle étude s’est intéressée à la question très controversée des liens entre consommation de marijuana et modifications des performances intellectuelles à l’adolescence. Construite à partir de deux études longitudinales sur des adolescents jumeaux (n = 789 et n = 2277), cette étude parue dans PNAS a été menée sur un mode quasi expérimental, intégrant variables environnementales et génétiques pour contrôler tout rapport de type causal. Ces adolescents ont été soumis à des tests de mesures de l’intelligence, entre 9 et 12 ans, avant l’entrée dans l’usage de marijuana et une nouvelle fois entre 17 et 20 ans. La consommation de cannabis était rapportée à chaque test des performances cognitives (auto-déclaratif) et durant tout le temps de l’intervention. A l’analyse, les usagers de marijuana présentaient des scores de performance plus faibles que les non usagers et un recul sensible de « l’intelligence cristallisée », capacité qui permet d’investir l’expérience et les connaissances accumulées. En revanche, l’hypothèse d’une réponse dose-dépendante entre la fréquence des consommations et des modifications du quotient intellectuel n’a pas été validée dans ce contexte. Plus encore, les jumeaux usagers ne présentaient pas de perte de QI très significative par rapport à leur jumeau abstinent voire, à l’inverse, de meilleurs scores de performance. Ainsi par exemple, si les scores au subtest « vocabulaire » étaient plus faibles chez les usagers de cannabis (−1.5 points IC 95 % (−5.5 to 2.6)), ils étaient plus élevés au subtest « information » (0.2 point IC 95 % (−5.1 to 5.6)). Ces résultats suggèrent une association indirecte entre consommation de marijuana et niveau d’intelligence avec, en toile de fond, l’implication d’autres facteurs comme des facteurs familiaux, sous-tendant l’initiation à l’usage de marijuana et un développement intellectuel moindre.
Source : Nicholas J. Jackson, Joshua D. Isen, Rubin Khoddam, Daniel Irons, Catherine Tuvblad, William G. Iacono, Matt McGue, Adrian Raine, and Laura A. Baker, "Impact of adolescent marijuana use on intelligence: Results from two longitudinal twin studies", PNAS, 19 January 2016
La pipe à eau séduit la jeunesse britannique
L’idée fausse selon laquelle l’usage de la pipe à eau serait moins nocif que les autres produits du tabac à fumer a fortement contribué à étendre son acceptation sociale tandis qu’une augmentation sensible de son utilisation a pu être observée à l’échelle mondiale. Connue également sous le nom de chicha ou narguilé, l’usage de la pipe à eau tend à s’intensifier au sein des jeunes populations sans que ce phénomène ait été pour autant bien décrit. Une nouvelle étude parue dans PLoS One s’est intéressée à ce phénomène tel qu’il se manifeste chez les étudiants britanniques. Sa prévalence et ses caractéristiques ont été évaluées à travers une enquête par questionnaire auprès d’étudiants de six universités différentes. L’enquête a pu exploiter 2217 réponses. D’après celles-ci, 66 % des étudiants interrogés avaient expérimenté cette pratique au moins une fois, 14,3 % rapportaient un usage sur les 30 derniers jours (95 % IC 12.8-15.8 %) et 8,7 % un usage régulier, au moins une fois par mois (monthly user) (95 % IC 7.6-9.9 %). Les usagers réguliers étaient plus souvent des hommes, plus jeunes, de statut socioéconomique supérieur et d’ethnies de type non-caucasien. Plus dépendants à la pipe à eau (28.1 % vs. 3.1 %, p<0.001), ils expriment également une plus grande difficulté à arrêter (15.5 % vs. 0.8 %, p<0.001), se sentent coupables et embarrassés lorsqu’on les critique sur cette pratique (19.2 % vs. 9.2 %, p<0.001). Par ailleurs, interrogés dans le cadre d’une autre enquête en 2012, 1 282 cliniciens intervenant dans le sevrage tabagique estimaient, pour un quart d’entre eux, avoir reçu des patients utilisateurs de pipe à eau et être 69,5 % à ne pas avoir évoqué cette pratique avec eux tandis qu’ils seraient nombreux (74.8%, 95% CI 72.4-77.1%) à vouloir en savoir plus sur cette façon de consommer du tabac.
Source : Mohammed Jawad, Elham Choaie, Leonie Brose, Omara Dogar, Aimee Grant, Elizabeth Jenkinson, Andy McEwen, Christopher Millett, Lion Shahab, "Waterpipe tobacco use in the United Kingdom: a cross-sectional study among university students and stop smoking practitioners", PLoS One, 8 janvier DOI: 10.1371/journal.pone.0146799
PHARMACOLOGIE
De l’huile de cannabis à usage thérapeutique bientôt disponible au Canada
L’huile de cannabis développée par le groupe Cannimed a obtenu l’agrément des autorités sanitaires canadiennes pour sa diffusion auprès des patients autorisés, dans le cadre du programme national Marihuana for Medical Purposes Regulations (MMPR). Comestible et administrable par voie orale, ce dérivé de cannabis, décliné en trois produits différents, entend répondre plus spécifiquement aux besoins, d’une part, des patients dont l’état de santé justifierait en l’état actuel de la réglementation au Canada une prescription de cannabis « médical » mais qui présentent par ailleurs des troubles respiratoires sévères aigus et/ou chroniques contre-indiquant la voie fumée ou la vaporisation et, d’autre part, à tous ceux qui souhaitent pouvoir graduer les doses administrées.
Source : "CanniMed receives approval from Health Canada to sell cannabis oil", 12 janvier 2016
RECHERCHE FONDAMENTALE
Une enzyme prometteuse pour la cocaïno-dépendance
Alors qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement approuvé contre la cocaïno-dépendance, une équipe de recherche du Kentucky annonce avoir abouti à une protéine efficiente à base d’hydrolases de cocaïne, capable de détoxifier et inhiber la cocaïne sans altération des fonctions normales du système nerveux central. Cette enzyme se distinguerait de sa prédécesseur en présentant une demi-vie beaucoup plus longue : 107 heures chez le rat contre 8 heures pour l’ancienne formule. Or, on a pu observer une demi-vie des médicaments plus longue encore chez l’homme que chez le rongeur. Aussi les chercheurs envisagent-ils, pour les patients présentant une addiction à la cocaïne, un mode d’administration à raison d’une dose toutes les deux ou quatre semaines, susceptible de favoriser l’observance.
Source : Xiabin Chen, Liu Xue, Shurong Hou, Zhenyu Jin, Ting Zhang, Fang Zheng, and Chang-Guo Zhan, "Long-acting cocaine hydrolase for addiction therapy", PNAS 2016; 113:422-427.
NOUVELLES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
Une nouvelle substance psychoactive à l’origine de contaminations au HIV
Avec 38 nouvelles infections probables ou avérées au VIH enregistrées au cours des deux dernières années chez des usagers de drogues par voie injectable (UDVI) et un pic de contamination en février 2015, la ville de Dublin a constitué un groupe de recherche multidisciplinaire pour approcher ces usagers à risque. Dans le même temps, une nouvelle substance psychoactive, nommée ‘snow blow’* était identifiée, touchant plus particulièrement les UDVI en situation de grande précarité. D’après le rapport dépêché dans ce contexte, parmi les 38 UDVI séropositifs avérés ou probables recensés, 16 étaient des femmes, toutes sans abri, comme 13 des 20 hommes UDVI identifiés. Des informations sur les consommations ont été recueillies pour 20 UDVI, dont 18 affirmaient consommer du snow blow. Des pratiques sexuelles à risque avec d’autres UDVI ou avec des individus séropositifs ont été rapportés chez 20 des 38 cas enregistrés. Les données épidémiologiques issues de ce rapport ont relevé notamment au sein de cette population à haut risque, une forte réutilisation des seringues, des pratiques sexuelles non protégées et des polyconsommations. La ville de Dublin compte 500 UDVI sans abri. En 12 mois, entre 2014 et 2015, on observait une augmentation de 28 % du nombre de personnes accueillies en hébergement d’urgence.
* Le snow blow ou alpha-PVP est consommé également en contexte sexuel par les slammers et constitue là aussi un facteur de risque de contamination au VIH.
Source : "Formerly legal drug 'snow blow' linked to rise in HIV", 13 janvier 2016
Pour consulter le rapport :
"Injection of new psychoactive substance snow blow associated with recently acquired hiv infections among homeless people who inject drugs in dublin, ireland", Eurosurveillance, Volume 20, 8 octobre 2015
E-CIGARETTE
Cigarette électronique et sevrage tabagique dans la vraie vie
Une revue systématique de la littérature parue dans le Lancet créé la surprise. Réalisée à partir de 38 études dont 20 études contrôlées (15 études prospectives, 3 études transversales et deux essais cliniques) ayant fait l’objet d’une méta-analyse, cette étude suggère en effet que la propension à quitter la cigarette serait 28 % plus faible chez les fumeurs usagers de cigarette électronique que chez les fumeurs non usagers (odds ratio : 0·72, 95% IC 0·57–0·91). Tandis que les fumeurs sont de plus en plus nombreux à utiliser la cigarette électronique et pour certains dans la perspective d’un sevrage tabagique et/ou nicotinique, ces nouvelles données, sans remettre en cause l’e-cigarette comme préférable au tabagisme classique dans une perspective de réduction des risques, interrogent cependant sur l’accompagnement dont l’usager de cigarette électronique bénéficie - ou devrait bénéficier - pour parvenir au sevrage. Des données à prendre en considération qui doivent rappeler l’importance de développer la prise en charge clinique et les approches de type santé communautaire pour les usagers de cigarette électronique souhaitant arrêter le tabac.
Source : Kalkhoran S. et coll., "E-cigarettes and smoking cessation in real-world and clinical settings: a systematic review and meta-analysis", Lancet, 2016 ; publication avancée en ligne le 14 Janvier.
doi.org/10.1016/S2213-2600(15)00521-4
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