Peut-on à la fois produire massivement des énergies fossiles, détruire l'environnement, endommager la santé de milliers d’Équatoriens et être considéré comme une entreprise éthique et « socialement responsable » ? Pour certains gestionnaires de fonds, la réponse est oui. C'est ainsi que deux fonds d'investissement socialement responsable proposés aux clients belges détiennent des titres de la multinationale Chevron (maison mère de Texaco) dans leur portefeuille d'actifs.
Chaque trimestre, le Réseau Financité épingle une entreprise qui, malgré des activités largement controversées, est présente dans un ou plusieurs fonds qualifiés de « socialement responsables », « éthiques », « ISR »...par leurs promoteurs. Chevron, sixième compagnie pétrolière mondiale, est la deuxième à figurer sur notre liste.
La dépendance mondiale aux énergies fossiles est une des premières causes du réchauffement climatique. Ces combustibles représentent 80 % des émissions mondiales de CO2 et 67 % des émissions de gaz à effet de serre. À l'heure où il est urgent d'agir pour préserver le climat, un produit ISR peut-il encore raisonnablement investir dans une entreprise comme Chevron ?
D'autant plus que Chevron est liée à l'« un des pires désastres environnementaux de la planète », selon les termes du président équatorien Rafael Correa. Rachetée en 2001 par Chevron, l'entreprise Texaco a exploité la forêt amazonienne pour son pétrole de 1964 à 1992, avant de quitter les lieux sans avoir dépollué la zone. Au cours de cette période, les déchets toxiques rejetés dans la nature ont contaminé les sols et les rivières. Regroupés au sein d'une association de victimes, près de 30 000 indigènes et agriculteurs amazoniens se sont pourvus en justice contre l'entreprise, déplorant des cas de cancers et de maladies dus à la pollution de l'eau. Chevron a hérité du contentieux en rachetant Texaco, mais a refusé d'en endosser la responsabilité.
La procédure judiciaire a connu de multiples rebondissements. Condamnée dans un premier temps à une amende record de 9,5 milliards de dollars pour les dégâts environnementaux causés, la multinationale a refusé de payer et remis en cause ce jugement, considérant que ce dernier était entaché d'irrégularités. La justice américaine lui a jusqu'à présent donné raison.
En attendant l'aboutissement du procès, cet exemple apporte encore une fois la preuve que la dénomination seule d'un produit ISR ne permet pas à l'investisseur d'être certain que son argent n'ira pas financer une entreprise néfaste pour l'homme et son environnement.
L'évaluation extrafinancière des fonds socialement
L'évaluation extra-financière des fonds ISR est réalisée chaque année par le Réseau Financité. 311 fonds d'investissement qualifiés par leurs promoteurs comme étant éthiques, socialement responsables (ISR), durables ont été commercialisés en 2014 en Belgique…. Ce qualificatif annonce que le choix des actifs présents dans ces fonds sont réalisés non pas sur la base de critères exclusivement financiers mais également en tenant compte de préoccupations sociales, éthiques et environnementales.
En réalité, parmi ces fonds, plus de la moitié (57 % d'entre eux soit 178 fonds) contiennent dans leur portefeuille d'investissement des entreprises et/ou Etats blacklistés (parce qu'ils violent les conventions internationales ratifiées par la Belgique dans les domaines humanitaire, civil, social, environnemental et de gouvernance).
L'importante disparité dans la qualité extra-financière que Financité pointe chaque année est notamment due à la présence dans ces fonds d'entreprises ayant des pratiques nocives. Elle trouve son origine dans l'absence de tout cadre légal posant les conditions minimales pour permettre que des produits financiers puissent porter le qualificatif de socialement responsable, durable, éthique… Une telle situation rend impossible à l’investisseur de choisir en connaissance de cause, voire même le trompe sur la marchandise.
: Au 31/12/14 : ISR Aberdeen Global - Responsible World Equity Fund et HSBC Global Investment Funds Global Equity Climate Change.
Annexes
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